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des travaux vraiment industriels, et en renonçant à cette chimère de faire à toute force des agriculteurs d’enfans qui sont nés dans les villes et qui sont destinés, suivant toute probabilité, à y retourner. Mais cette réforme ne suffirait pas, si elle n’était complétée par un ensemble de mesures qui pourraient inspirer confiance aux magistrats dans le régime de ces établissemens et obtenir d’eux qu’ils prononcent contre ou plutôt au profit de ces enfans des sentences assez longues pour leur assurer les bienfaits d’une éducation véritable. Si l’on se souvient en effet des chiffres que j’ai donnés dans la première de ces études sur le vagabondage, on doit se rappeler qu’à Paris, par exemple, le mal vient de ce que tous les ans douze ou treize cents enfans arrêtés par la police en flagrant délit de vagabondage ou de mendicité sont remis en liberté soit par la police elle-même, soit par les magistrats instructeurs, parce que dans leur pensée la comparution de ces enfans devant le tribunal correctionnel n’aboutirait qu’à un acquittement. D’où vient la répugnance de la magistrature parisienne, lorsqu’elle se trouve en présence d’un délit d’une nature indéterminée comme le vagabondage, à prononcer une sentence qu’en Angleterre au contraire on considère comme essentiellement profitable à l’enfant? Cette répugnance tient en grande partie à l’incertitude absolue où les magistrats sont laissés sur les conséquences de cette sentence et sur le profit plus ou moins grand que l’enfant pourra en retirer. Les enfans de Paris (garçons et filles) ne sont pas répartis aujourd’hui dans moins de quarante-quatre établissemens différens situés dans toutes les régions de la France, au nord, à l’est, à l’ouest, en un mot partout. Quelques-uns de ces établissemens, comme Mettray, Cîteaux, le Val-d’Yèvre, comptent parmi nos meilleurs; d’autres méritent une beaucoup moins grande confiance. Dans lequel de ces établissemens l’enfant sur le sort duquel les magistrats prononcent sera-t-il envoyé? Ils l’ignorent. Quelle sorte d’éducation morale et professionnelle lui sera donnée, ils n’en savent rien, et je suis persuadé que cette ignorance trop complète entretient leur méfiance et contribue à paralyser leur action. En Angleterre, c’est le magistrat lui-même qui désigne l’école où l’enfant sera envoyé : école toujours située dans un rayon assez rapproché, et dont par conséquent le régime lui est parfaitement connu. Je ne proposerai assurément pas un aussi grave empiétement du pouvoir judiciaire sur le pouvoir exécutif; mais je suis persuadé que, si les magistrats du tribunal de la Seine connaissaient l’existence à Paris même ou dans le voisinage immédiat d’une véritable école industrielle, organisée par exemple sur le modèle de l’école d’apprentissage de la Villette ou de l’internat de Saint-Nicolas, où l’on donnerait aux petits Parisiens l’éducation qui leur convient, ces magistrats prendraient confiance dans le régime