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du moins bien des symptômes et sert à la connaissance du tout.

Que d’autres découvertes mémorables à raconter à côté de celles dont j’ai essayé de donner l’idée ! A quels problèmes de physiologie expérimentale Claude Bernard n’a-t-il pas touché, quels problèmes n’a-t-il pas renouvelés? Ses recherches sur le suc gastrique, sur les fonctions du pancréas, sur le suc intestinal, sur les glandes salivaires et sur les différentes espèces de salive, ont agrandi toutes nos connaissances sur les actes fondamentaux de la digestion. Ses travaux en physiologie nerveuse ne se bornent pas à la découverte des nerfs vaso-moteurs ; ils touchent à presque tout le système des nerfs cérébro-spinaux, et en particulier, au nerf pneumo-gastrique, dont il constate l’action d’arrêt sur la respiration par l’excitation du bout central, ainsi que l’action d’arrêt du cœur provoquée par la galvanisation du nerf. Ses recherches sur le nerf spinal, sur le nerf trijumeau, sur le nerf facial, sur le nerf oculo-moteur commun, sur la corde du tympan, offrent toutes un réel intérêt. Peut-on oublier son ingénieuse analyse des conditions de la sensibilité récurrente, qui avaient échappé à Magendie et à Longet, en sorte que le premier de ces physiologistes ne parvenait plus à reproduire ce phénomène qu’il avait découvert? Puis-je passer sous silence ses études, si vraiment physiologiques, sur la température variable des parties et des organes, suivant que ceux-ci sont à l’état de repos ou d’exercice fonctionnel; sur la température du sang dans son trajet à travers les réseaux périphériques et les viscères internes, se refroidissant dans les veines de la périphérie, se réchauffant dans les viscères, avec une perte perpétuellement compensée ; sur les différences de température entre le sang du ventricule droit du cœur et le sang du ventricule gauche, différences qui sont en faveur du premier, et viennent confirmer l’influence qu’exerce le travail des viscères? Combien tout cela est instructif, et jette de lumières sur cette vie nutritive, source obscure et soutien permanent de toutes les autres !

Puis-je enfin ne pas signaler à part, et comme une série des plus brillantes, ses recherches sur les substances toxiques et médicamenteuses ? C’est le curare qu’il étudia d’abord, et quel est le lecteur de la Revue qui ait oublié cette étude sur le poison des flèches, où tant de faits saisissans étaient accumulés ! Dès les premières lignes, Claude Bernard montre la voie nouvelle où il va s’engager : « Les poisons, dit-il, peuvent être employés comme agens de destruction de la vie ou comme moyens de guérison des maladies ; mais outre ces deux usages bien connus de tout le monde, il en est un troisième qui intéresse particulièrement le physiologiste. Pour lui, le poison devient un instrument qui dissocie et analyse les phénomènes