Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pourtant qu’il y a là un mystère. N’est-il pas permis de conjecturer que la duchesse d’Angoulême, initiée par son mari à bien des traditions du XVIe siècle, a pu fournir à Boursault certaines indications plus précises, et que l’imagination du conteur a pris plaisir à broder ce canevas ? C’est dans cette mesure et avec cette réserve qu’il y a lieu de signaler à l’histoire les pages du romancier.


III.

Revenons au journaliste, à ce journaliste d’un genre particulier qui écrit pour le divertissement des princes et des princesses, des évêques et des conseillers d’état. Au milieu de ses romans passionnés, au milieu de ses gentillesses et de ses gaîtés qui demeureront sa veine principale, voici le moment où son esprit s’élève, où sa pensée honnête et loyale conçoit de nobles ambitions. En 1671, entre le Marquis de Chavigny (1670) et le Prince de Condé (1675), il a l’idée de composer un livre pour l’instruction morale du fils de Louis XIV. L’ouvrage porte ce titre : la Véritable Étude des souverains, dédiée à monseigneur le Dauphin. C’est un petit volume in-8o de 271 pages, publié chez Barbin sans nom d’auteur. À la première page se trouve une épître au dauphin, ensuite vient une préface à la fois très modeste et très franche à l’adresse des critiques malveillans, puis le traité commence par ces mots : Au roi. Le livre tout entier est un discours au roi, un discours sur la nécessité d’une forte éducation morale pour le jeune prince qui doit occuper un jour, si Dieu le permet, le plus glorieux trône du monde. Ce prince avait dix ans à cette date. Boursault croit l’heure venue de lui mettre sous les yeux les plus beaux exemples des vertus royales, sagesse, courage, clémence, magnanimité. Les flatteurs disent : Il n’a qu’à imiter son père. Boursault, tout en parlant du roi avec l’enthousiasme des contemporains, a pourtant la hardiesse de chercher des modèles ailleurs. Il en trouve, cela va sans dire, chez les grands personnages de l’antiquité grecque et romaine. Bien qu’il ne sache ni latin ni grec, il a refait du mieux qu’il a pu son instruction classique ; il a pris çà et là des lambeaux d’histoire ancienne, il a lu l’abrégé de Florus dans la traduction de Nicolas Coeffeteau, et c’est ainsi qu’il a rédigé peu à peu son de Viris illusiribus. Surtout, et c’est là une chose originale en plein XVIIe siècle, il n’hésite pas à prendre ses modèles parmi les rois du moyen âge et de la renaissance ; il cite saint Louis et Charles V, François Ier et Henri IV. Il marque même, avec un sentiment très libre, la supériorité des héros modernes sur ceux de l’ancien monde. Ce qui l’intéresse avant tout, c’est l’honneur, la bonté, la grâce souveraine,