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Tel est le programme des réformes que M. le chanoine de Mayence réclame de l’état. Il ne diffère guère de celui formulé par les socialistes, sauf que M. Moufang invoque plus souvent les saintes Écritures. Il se peut qu’il réponde à l’idéal chrétien; mais que faire si les sociétés coopératives mangent le capital avancé et si les associés en viennent aux mains? Que faire encore, si les corporations ouvrières adoptent des règlemens inexécutables, et, si les fabricans cessent de produire, quand ils ne pourront faire face au salaire imposé? Le chanoine réformateur ne s’occupe pas de ces détails.

Un journal fondé sous l’inspiration de M. Moufang, die Christlich-sociale Blätter, a développé ce programme plus exclusivement sur le terrain économique. Comme les socialistes, il attaque avec véhémence l’économie politique anglaise de Manchester, le Manchesterthum. Il faut en finir, dit le journal catholique, avec ces théories économiques qui exercent une si désolante influence sur la vie publique et privée de notre époque. Elles placent le travail, ce facteur principal de toute civilisation, sur la même ligne que les forces physiques. Pour elles, ce n’est qu’une manifestation des puissances inhérentes à la matière, comme l’attraction ou la gravité des corps. Elles parlent des lois qui régissent la production et la répartition de la richesse comme de ces lois nécessaires qui déterminent l’enchaînement des phénomènes de la nature. Il en résulte qu’il est impossible d’appliquer la notion de justice et de droit aux relations du capital et du travail. Ces relations sont réglées par la loi fatale de l’offre et de la demande qu’on voudrait en vain modifier. A quoi bon invoquer un prétendu droit qui serait absolument inapplicable? Le travail est une marchandise dont le prix se fixe, comme celui de toutes les autres denrées, par le libre débat des deux parties. Christianisme ou catholicisme n’ont rien à faire ici pas plus que quand il s’agit de physique ou d’astronomie. Voilà comment l’économisme libéral arrive à dénier tout droit aux ouvriers. — La feuille chrétienne-socialiste accuse encore les économistes d’avoir complètement méconnu le principe de la propriété en la faisant dériver du travail. La propriété, prétend-elle, est un principe (Moment) qui n’est subordonné au travail ni dans son origine, ni dans son importance. Le libéralisme a donc faussé toutes les bases d’une vraie civilisation, le travail, la propriété, la liberté, le droit, la justice. L’influence de cette pernicieuse doctrine doit être brisée, anéantie. Elle mène à la révolution. La première chose à faire, c’est de rétablir les corporations, de réglementer l’industrie et de fixer le salaire par la loi, en créant une magistrature particulière pour appliquer les articles du code ouvrier (Arbeitsrecht.)

On comprend le succès que devaient obtenir de semblables doctrines auprès de cette partie de la classe laborieuse qui n’était