Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/535

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
529
L’ÎLE DE CYPRE.

Sardaigne et en Espagne, les Phéniciens, déjà métallurgistes fort exercés, surent bientôt découvrir les richesses minérales que renfermait le sous-sol. Ils reconnurent des gisemens de cuivre, assez importans pour que l’exploitation s’en soit prolongée jusqu’à l’époque romaine ; il y avait aussi du fer, mais en moins grande quantité, et de l’alun, de l’amiante, des pierres précieuses. Le cuivre était d’ailleurs, à l’époque reculée où eut lieu cette colonisation, le métal indispensable entre tous ; on le mêlait à l’étain, que les Phéniciens tiraient à la fois de l’intérieur de l’Asie et des îles lointaines de l’Occident ; on obtenait ainsi le bronze, que les hommes, pendant bien des siècles, employèrent presque seul pour tous les usages de la vie ; le fer, alors même que l’on sut l’extraire et le travailler, ne se fit place que bien lentement auprès du bronze. Or le cuivre de Cypre était le plus estimé dans l’antiquité ; aussi est-il souvent fait mention, chez les Grecs et les Latins, du χαλϰός κύπριος (chalkos kuprios), de l’œs cyprium. Les Latins allèrent plus loin : ils appelèrent ce métal du nom même de l’île où il était si abondant et de si bonne qualité ; ils le nommèrent cuprum ; c’est de là que dérivent notre mot cuivre et les noms que porte ce métal dans les langues modernes de l’Europe. — Les mines de Cypre sont abandonnées depuis longtemps ; mais on a déjà signalé sur divers points des traces laissées par ces travaux. L’exploration géologique de l’île, qui va être entreprise, dit-on, par les ordres du gouvernement anglais, devra fournir à ce sujet des données plus complètes et plus précises ; peut-être conduira-t-elle à découvrir des filons qui mériteraient encore d’être exploités ou des amas de scories qui, comme au Laurium, pourraient être utilement reprises et traitées par les procédés de l’industrie moderne. C’est dans la chaîne de montagnes qui couvre toute la partie méridionale de l’île que paraissent s’être trouvées toutes les anciennes exploitations minières.

Les Phéniciens doivent avoir été aussi les premiers à exploiter ces salines de Cypre dont le sel fournit à toute la consommation de l’île et s’exporte, en quantités considérables, à destination de la Syrie. Ces marais salans se trouvent sur la côte même qu’avaient occupée les Phéniciens et dans le voisinage de leurs principaux comptoirs. Le moins important est auprès de Limisso, c’est-à-dire à peu de distance de l’ancienne Amathonte ; l’autre, le plus vaste de beaucoup, sépare Larnaca, la ville moderne, des ruines de Kition ; il baignait le pied des murs de cette place forte. C’est le soleil qui fait tous les frais de cette fabrication ; il suffit de ne pas permettre aux pluies d’hiver d’accumuler dans ces larges étangs plus d’eau que ne pourraient en boire les rayons d’été. Le fond de ces bassins, autrefois des lagunes qui communiquaient avec la mer, est formé