Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/566

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observation qui n’était féconde qu’en illusions, parfois ridicules. D’autre part, l’analyse anatomique, dont l’œuvre est toute descriptive, quelle que soit l’importance de ses recherches, ne pouvait conduire au résultat vainement poursuivi par Gall et ses disciples. On ne pouvait y arriver que par une série d’expériences tentées sur certaines espèces animales, et par une suite d’observations pathologiques faites sur l’homme malade. C’est ainsi que Magendie, qui donna l’exemple de cette méthode, parvint à établir la distinction des nerfs moteurs et des nerfs sensitifs de la moelle épinière. Flourens, vivant à une époque où la doctrine de Gall avait conservé une certaine vogue, s’attacha à la ruiner, en opposant à des affirmations sans preuves sur la localisation des facultés mentales des expériences palpables et décisives sur les véritables fonctions de certains organes cérébraux. En enlevant successivement à divers animaux telles ou telles parties du cerveau, comme la moelle allongée, le cervelet, les lobes cérébraux, il a fait voir comment l’animal pris pour sujet de ces cruelles expériences peut perdre telle fonction vitale, tantôt la direction de ses mouvemens, tantôt son activité instinctive, tantôt son intelligence et tout sentiment de son être, tout en conservant certaines autres fonctions. Il a ainsi fixé telle fonction dans tel organe, la respiration dans le centre nerveux qu’il a appelé le nœud vital, la coordination des mouvemens dans le cervelet, la conscience et l’activité volontaire dans les lobes cérébraux.

Les expériences faites sur les couches optiques, les tubes quadrijumeaux, les corps striés, la protubérance annulaire et d’autres organes du cerveau, n’ont point encore donné de résultats définitifs. Où se produit la sensation brute ? où se change-t-elle en image ? où l’image se convertit-elle en pensée ? On ne le sait pas encore. La découverte de M. Broca sur l’organe de la faculté du langage, si probable qu’elle soit, soulève encore des objections. La topographie cérébrale est donc loin d’être complète. La proximité des organes du cerveau est telle, leur action réciproque est si intime qu’il ne faut pas compter sur de prompts et faciles résultats en pareille matière. Mais l’efficacité de la méthode expérimentale et la curiosité persévérante des expérimentateurs permettent de beaucoup espérer dans la voie maintenant ouverte à la physiologie cérébrale. Les grandes lignes de la carte géographique du cerveau sont dessinées ; la science finira par en combler les lacunes et dissiper les obscurités. En tout cas, une vérité paraît acquise, qui domine et dirige toutes les recherches de ce genre : c’est que toute fonction psychique a son siège cérébral. Une autre vérité plus générale encore ressort du grand travail auquel s’est vouée la physiologie