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rang dans la science parmi les vérités positives sur lesquelles toutes les écoles sont d’accord. Les spiritualistes, comme les matérialistes, les vitalistes, comme les mécanistes, les admettent également, sauf à y chercher des explications différentes. Là est en effet tout le débat : expliquer les faits observés ou expérimentés par la science. On ne peut s’y engager qu’en passant du domaine de la science pure dans celui de la philosophie. On le reconnaît à la difficulté des solutions, à la discordance des doctrines, à l’ardeur des controverses. On ne s’y retrouve plus dans la paix profonde et la vive lumière des études scientifiques. En reprenant une à une ces diverses théories, nous en verrons sortir autant de problèmes philosophiques d’une haute portée et d’un puissant intérêt, mais qui vont recevoir des solutions différentes entre lesquelles nous aurons à nous prononcer. Il en est un par lequel il est nécessaire de commencer, parce qu’il les domine tous, et qu’une fois résolu, il fournit la clé pour la solution de tous les autres. Il peut se formuler ainsi : Quelle idée faut-il se faire de la vie d’après les enseignemens de la science ? Cette idée, une fois comprise et définie, éclaire de sa lumière toutes les questions qui se rattachent au mystère de la vie.

Pour résoudre ce grand problème, il y a deux méthodes. On peut l’aborder par le côté analytique, physique, chimique, anatomique, en cherchant la solution dans les élémens bruts de la matière vivante, dans les conditions physico-chimiques de toute manifestation vitale, dans les élémens physiologiques dont sont formés les tissus organiques. C’est la méthode de l’école mécaniste, méthode simple, qui paraît la plus sûre au premier abord, et qui est de nature à séduire cette classe très nombreuse d’esprits pour lesquels la simplicité est le signe infaillible de la vérité. On peut, au contraire, entrer tout de suite dans le vif de la question sans s’arrêter aux abords, et, par une vue toute synthétique, saisir la vie dans ses caractères intimes et propres, en s’attachant aux phénomènes qui en révèlent la cause, particulièrement aux phénomènes de la génération, du développement et de la formation organique des êtres vivans. C’est la méthode de l’école vitaliste. Toutes deux ont la même foi dans les enseignemens de la science ; mais elles s’en servent différemment dans l’explication des faits. La première emprunte surtout ses idées aux études chimiques et histologiques ; la seconde tire surtout les siennes des études d’embryogénie, de physiologie générale et de pathologie.

C’est un phénomène vraiment curieux à observer que l’influence des études diverses sur la manière de concevoir et de comprendre les principes des choses. Quand on vit dans un laboratoire ou dans