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Robin soutient la génération spontanée au sein des liquides albumineux ou plasmatiques fournis par l’organisme vivant ; seulement il la limite à la formation des élémens qui composent les tissus organiques des êtres engendrés par des parens. Ainsi, au lieu de se poursuivre dans le développement des organes, cette génération se bornerait à un acte mystérieux, la naissance de l’être cellulaire. Ce serait là le moment unique dont la science n’a pu encore pénétrer le secret. Ce moment passé, la matière et ses forces rentrent en jeu pour continuer et terminer l’œuvre de l’organisation entière. On verra comment M. Chauffard réfute cette hypothèse dans sa critique générale de l’école mécaniste.

On a vu plus haut comment Claude Bernard a établi que toutes les manifestations vitales ont pour condition des phénomènes soumis aux lois physico-chimiques. Il n’en faut pas davantage à certains adeptes de l’école mécaniste pour expliquer mécaniquement les phénomènes de la vie. Malgré les intentions et les distinctions formelles de l’auteur, la théorie du déterminisme a singulièrement favorisé ; ce genre d’explications chez une certaine classe d’esprits enclins à confondre les causes véritables avec les conditions. Les expériences de Claude Bernard, si claires et si concluantes en ce qui concerne simplement les conditions, parurent décisives à une école qui s’obstine à ne pas reconnaître d’autre relation et d’autre mode d’action dans le jeu des opérations naturelles. Pour elle, en effet, tout est dit, en fait d’explication, quand-on a déterminé l’antécédent ou la condition d’un phénomène. Elle n’a pas d’autre idée de la causalité, et regarde comme un grand progrès pour la philosophie naturelle d’avoir banni du domaine de la science tout ce que la métaphysique appelle cause efficiente ou finale. Le travail de la nature organique se fait comme le travail de la nature inorganique, avec cette seule différence que les instrumens ne sont plus les mêmes.

Le principe de la vie ainsi compris, la même école essaie d’en expliquer les caractères apparens, l’individualité, la spontanéité organique, instinctive, volontaire. Pour elle, la notion de l’individu n’est qu’une illusion de la conscience, comme tant d’autres. La seule unité qu’elle reconnaisse, c’est une unité qu’on puisse saisir et localiser ; c’est l’unité de la cellule, l’unité des centres nerveux, l’unité du cerveau. Voici comment une doctrine à laquelle on a donné le nom d’organicisme explique l’unité chez les êtres vivans de l’ordre supérieur. Il n’y a dans l’être vivant que des organes et des fonctions ; toute fonction n’est que l’organe en action. L’unité vitale n’est qu’une résultante de la multiplicité fonctionnelle ; autrement elle n’est qu’une abstraction verbale. La seule unité