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un mot de cette conversation. Nous ne saurions exposer nos visiteurs aux inconvéniens que présenteraient leur séjour à Mérida et leurs excursions dans ces ruines...

Carmen s’arrêta court devant le regard de sa sœur ; mais l’expression mutine de ses yeux et de sa bouche trahissait la contrainte qu’elle s’imposait et triompha de l’hésitation de Mercedes.

— Je ne puis, monsieur, vous refuser la faveur, si c’en est une, que vous me demandez. Je crois que vous ne vous rendez pas bien compte des difficultés de votre entreprise, mais vous serez toujours à temps d’y renoncer.

— Merci, dona Mercedes. Je ne renonce jamais à ce que j’ai résolu et dès demain nous procéderons à notre installation. Pendant ce temps, le curé Carillo et Fernand exploraient les ruines de la casa del gobernador. George Willis leur rendit compte de son entretien.

Fernand était enchanté ; quant au curé, il saisit l’occasion d’échanger à l’écart quelques mots avec dona Mercedes.

— Ce que vous faites là n’est-il pas imprudent ?

— Qu’y puis-je ? Je suis lasse, mon bon curé, à bout de forces et de courage, à la merci d’un hasard. Pauvre Carmen, ajouta-t-elle, il me faudra bientôt tout lui dire.

Le curé Carillo se tut, serra affectueusement la main de la jeune fille, rejoignit ses compagnons et tous trois partirent pour Mérida. Dès le lendemain George Willis se mit en route pour Sisal. Son absence devait durer quelques jours. Pendant ce temps Fernand s’occuperait de leur installation au Palais du Nain et mettrait le village à contribution pour se procurer ce qui était nécessaire à un séjour de quelque durée.


IV.

George Willis était à peine à un mille de Mérida lorsque, sur la route solitaire, il entendit le galop d’un cheval. Peu d’instans après un cavalier s’arrêtait à ses côtés et le saluait courtoisement. Il reconnut don Rodriguez. L’incident du bal n’avait laissé qu’un souvenir assez confus dans sa pensée et ce fut avec cordialité qu’il rendit son salut au jeune planteur.

— Pardon de vous retarder, monsieur, lui dit don Rodriguez en assez mauvais anglais.

— Nullement, senor, répondit George en excellent espagnol. Je suis à votre disposition.