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On eût dit qu’elle redoutait ce qui pouvait réveiller son émotion et provoquer de nouvelles confidences. Par contre, elle s’intéressait aux travaux, aux recherches de ses compagnons ; elle écoutait avec curiosité les dissertations de George Willis. Elle-même, pour s’occuper, pour se distraire, disait-elle, avait fait faire quelques fouilles dans le palais du gouverneur, puis les avait abandonnées. Elle les reprendrait peut-être, et les consultait à ce sujet.

Un jour, Fernand suggéra, pour donner aux travaux une direction intelligente et méthodique, de lever un plan de l’édifice ; il se mit à sa disposition. Mercedes se fit longuement et minutieusement expliquer ce qu’il entendait par là. Encouragé par l’attention qu’elle lui prêtait, Fernand lui montra comment, à l’aide de quelques lignes de convention, on pouvait figurer les diverses parties d’un édifice, préciser ses dimensions, sa distribution intérieure, et comment aussi, sur le tracé d’un monument en ruines, on parvenait à retrouver l’idée première qui avait présidé à sa construction, et on réédifiait par la pensée ce que le temps avait détruit.

— Mais alors, un œil exercé peut lire un plan comme on déchiffre la musique.

— A peu près, dona Mercedes, et si vous aviez ici un plan exact du palais du gouverneur, je m’y orienterais sans peine et vous donnerais une explication plus claire que je ne puis le faire.

— Je ne crois pas, reprit Mercedes avec hésitation ; cependant. .. j’ai ici un... papier sur lequel se trouvent des indications que je ne comprends pas, des lignes singulièrement tracées et dont la signification m’échappe. Je crois, d’après ce que vous venez de me dire, que c’est un plan. Que représente-t-il ? Je ne sais.

— Pouvez-vous nous le montrer ? demanda George.

— Oui... dit-elle avec un embarras visible.

— Fernand nous dira ce que nous en devons penser.

Ainsi mise en demeure, dona Mercedes quitta la terrasse et revint quelques instans après avec un pli qu’elle remit à Fernand. Avant de l’ouvrir, il l’examina avec soin. L’enveloppe jaunie portait une adresse illisible et semblait avoir été exposée à l’air, au soleil, à la pluie. Elle contenait une feuille de papier usée aux angles. Sur le verso on voyait une série de chiffres alignés en colonnes serrées. Ces chiffres, parfaitement visibles encore et tracés d’une main ferme, avaient dû être écrits à loisir, avec un soin méticuleux et une rigoureuse exactitude. Au recto, une ligne droite, indiquée par des points, partait d’un des angles du papier et venait aboutir dans un carré long représenté par quatre lignes doubles, coupées de distance en distance par d’autres plus petites. Ce carré long en contenait un autre de moindres dimensions au milieu duquel