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discours, résumé vigoureux des harangues accusatrices éparses dans les historiens de l’empire, peut être considéré comme le type et le modèle de cette forme particulière d’éloquence politique dont nous essayons de ressaisir la trace et de ranimer le souvenir.

Quand un orateur avait été assez éloquent, assez heureux pour faire triompher à Rome la cause de sa patrie, il devenait aussitôt un personnage. Le monde entier apprenait son nom et sa victoire par les Acta diurna populi romani ; ses concitoyens lui élevaient une statue, et la curie proclamait, par un décret public, qu’il avait bien mérité de la cité ; selon le mot du Dialogue sur les orateurs, il traînait après lui, comme un cortège, la clientèle des municipes, des colonies et des provinces. Remarquons ici une contradiction singulière de ce dialogue célèbre : au commenceraient, l’auteur déplore la ruine et l’impuissance de l’éloquence politique ; à l’en croire, le nom même d’orateur aurait presque disparu du langage des hommes ; mais un peu plus loin, lorsqu’il compare la gloire de l’éloquence à celle de la poésie, son enthousiasme ne trouve pas d’expressions assez fortes pour décrire les puissans, effets du talent de la parole, le crédit qu’il donne auprès du prince et du peuple, les transports d’admiration qu’il provoque, le patronage éclatant dont il couvre des nations entières. « Quoi ! dit-il, un homme qui a reçu le don de cette virile et retentissante éloquence ira-t-il se consumer dans les obscurs labels de l’art, des vers, lorsqu’il lui serait si facile de conquérir des nations et de s’attacher des provinces ! A peine l’orateur a-t-il franchi le seuil de sa demeure, quel éclat l’environne ! Quel concours de citoyens en toges se presse autour de lui ! Son nom est celui que les pères redisent à leurs fils et qu’ils gravent dans leurs jeunes esprits : c’est lui que le vulgaire illettré et le petit peuple en tuniques signale au passage avec vénération et montre du doigt avec orgueil. Les étrangers, les voyageurs qui déjà ont entendu parler de lui dans leurs municipes et leurs colonies, le cherchent dès leur entrée à Rome et sont impatiens de connaître ses traits et sa personne. » Certes, ce n’est pas l’éloquence du barreau toute seule qui pourrait à ce point enlever l’opinion et briller d’une telle splendeur de renommée : à l’importance du rôle qui nous est décrit, à la grandeur des services rendus, à l’ardente unanimité des applaudissemens et des ovations, il faut, reconnaître les triomphes ordinaires de l’éloquence politique.

Le témoignage des inscriptions confirme les textes historiques et justifie les conjectures que ces documens nous ont suggérées. Il y est fait mention très fréquemment d’honneurs accordés aux citoyens éloquens et courageux qui ont rempli une mission à Rome avec succès. On les qualifie de titres différens. Il y a « les avocats du