Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/713

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

constitution qui existe a précisément le mérite de ressembler aussi peu que possible à la constitution de 1848, d’être au contraire une œuvre de raison pratique, de transaction et de pondération : elle a même le mérite, si incomplète ou si sommaire qu’elle puisse paraître, d’avoir déjà prouvé qu’elle pouvait suffire à tout. Le chef du gouvernement, loin d’être une menace, est par l’honneur du caractère, par une loyauté de conduite déjà éprouvée, une garantie vivante contre les projets ambitieux et les coups d’état. L’esprit général a singulièrement changé depuis trente ans. Les intérêts se sont presque transformés, et en s’accroissant, en s’étendant, ils sont devenus une force avec laquelle on doit compter. Les conditions de crédit et de viabilité pour un régime public ne sont plus entièrement ce qu’elles étaient autrefois. La république, par cela même qu’elle est née lentement, qu’elle s’est organisée laborieusement et qu’elle a eu besoin de se modérer pour conquérir des adhésions, la république a certainement plus de chances d’échapper à des crises violentes que ses partisans seuls pourraient désormais provoquer. Que faut-il donc pour que cette situation devienne complètement régulière et définitive, pour qu’elle ne soit plus sérieusement contestée et que les appels à des révolutions nouvelles, de quelque côté qu’ils viennent, restent sans écho ? C’est bien simple à l’heure qu’il est, dira-t-on : pour le moment, il y a une dernière épreuve à traverser, il y a une suprême garantie de durée et de sécurité à conquérir. Les élections du 5 janvier, tout est là ! Que l’ancienne majorité du sénat disparaisse, qu’une majorité républicaine sorte du scrutin, c’est le grand secret ; c’est le vrai moyen de remettre l’harmonie entre les pouvoirs, de décourager les hostilités et les conflits, de dissiper les défiances et les inquiétudes de l’opinion en fixant définitivement l’équilibre des institutions. — Est-ce bien sûr ? n’est-ce pas plus désirable que certain ?

Qu’on y réfléchisse bien : ce n’est pas la première fois qu’on tient ce langage qui au fond cache un vague et indéfinissable sentiment d’instabilité, s’il ne déguise pas plus simplement une impatience inavouée de parti. Voilà bien des années déjà qu’on parle ainsi, qu’on va d’étape en étape, en se promettant à chaque épreuve nouvelle ce qu’on désire et ce qu’on attend. Lorsque la république n’existait encore que de fait et restait livrée à toutes les contestations, c’était un point acquis et d’ailleurs évident : le mal était dans le provisoire, l’établissement d’un régime définitif pouvait seul créer la sécurité et tout simplifier. La république a été votée et organisée par les lois constitutionnelles. Alors cela n’a plus suffi, la question n’a pas paru absolument tranchée. La solution restait incomplète tant que l’ancienne assemblée n’avait pas disparu, tant que le pays ne s’était pas prononcé lui-même par l’élection des nouveaux pouvoirs législatifs, de la chambre des députés et du sénat. C’était en définitive assez logique. L’assemblée qui avait voté la