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Une mesure importante serait de mettre les diverses parties de notre enseignement supérieur en contact les unes avec les autres. On a formé de bons rouages ; mais comme ils ne se rejoignent pas, l’effet utile est à peu près perdu. Un cours de grec moderne à l’École des langues orientales sert à tout le monde, excepté aux élèves de l’École normale qui vont à Athènes. Une portion de notre haut enseignement est surtout à l’usage des étrangers. Il n’est pas de professeur au Collège de France et à la Sorbonne qui ne signe tous les ans un certain nombre de certificats d’assiduité qui lui sont demandés par des étrangers ayant suivi le cours. Jamais auditeur français n’a fait pareille demande. Le certificat ne lui servant à rien, il se dispense de le prendre, et par une association d’idées trop naturelle, volontiers aussi il se dispense du cours.

Nous ne pouvons songer à entrer dans plus de détails[1]. Signalons cependant encore deux points. Un long repos déshabitue de la vie active même les esprits les mieux trempés. Il est intéressant de comparer à ce point de vue les vœux des différentes facultés qu’on avait consultées en 1875 sur les améliorations à faire. Quelques-unes déclarent qu’elles ne souhaitent rien. Si elles acceptent les maîtres de conférences, c’est pour partager le fardeau des examens. Il y a là de quoi faire réfléchir ceux qui pensent que, pour relever l’instruction supérieure, il suffirait de proclamer l’autonomie des facultés.

Un autre danger, assez inattendu, dont il faut nous défier, c’est le contentement de nous-mêmes, qui, après une éclipse passagère, menace déjà de renaître. On a vu plus haut l’aveu généreux des négligences et des omissions du passé ; mais telle est la force de l’habitude que déjà sur un autre point l’ancien optimisme reparaît. Je ne serais pas étonné si d’ici à quelque temps je lisais dans les journaux que notre enseignement à ses trois degrés, malgré quelques lacunes, est et sera toujours le premier du monde. On a entendu récemment semblable déclaration à la tribune pour notre instruction secondaire ; l’Europe et l’exposition universelle étaient prises à témoin. Qui aurait jamais pensé que de telles affirmations reparaîtraient si vite ? Comment, après un pareil éloge, pourra-t-on proposer des améliorations ? Ce retour d’un ancien défaut est, nous le croyons, un véritable péril. Parce que la fortune se lasse enfin de nous être contraire, oublierons-nous ses leçons et prendrons-nous, sans qu’il nous souvienne de rien, pour l’expression de la vérité l’assentiment d’étrangers qui, venus en un jour de fête, n’avaient garde de nous contredire, comme des gens bien élevés chez un

  1. Nous avons traité de la Réorganisation de l’enseignement supérieur dans la Revue du 15 février 1877.