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La richesse est chose relative. Quand les revenus du royaume de France se montaient, sous François Ier, à 16 millions, la livre de pain bis se payait à peine 1 centime, elle en eût coûté 9 ou 10 à la veille de la révolution, 14 à la fin du règne du roi Louis Philippe. De plus érudits vous diraient ce qu’elle valait au temps de Périclès. On la peut évaluer, je crois, à 4 ou 5 centimes. Nous n’avons pas heureusement besoin de posséder à cet égard un renseignement précis, irréfutable, pour rester convaincus qu’au Ve siècle avant notre ère l’opulence d’Athènes ne connaissait pas de rivale en Europe. Aussi est-ce en Asie qu’on verra bientôt Sparte, oublieuse de la gloire des Thermopyles, de Platée, de Mycale, aller solliciter des secours. L’Asie puisait l’or à pleines mains dans ses fleuves, et il lui eût été facile de faire pencher la balance du côté qu’elle eût sincèrement favorisé, mais le grand roi ne se fiait qu’à demi aux Grecs. Il devait trouver plus de profit à entretenir leurs luttes intestines qu’à hâter le triomphe d’un de ses anciens adversaires. L’or perse n’en joua pas moins un grand rôle dans cette guerre où l’on en vint à se disputer les rameurs à prix d’argent. Il n’y a pas longues années que nos matelots n’étaient guère mieux rétribués que ceux de Lysandre ou d’Alcibiade. 27 francs par mois ! c’est à peine aujourd’hui la solde d’un novice ; sous la restauration, c’était presque la paie d’un gabier. Si le métier de rameur était dur, la profession, on en conviendra, devenait lucrative.

Les événemens exigent quelque temps pour mûrir ; il s’écoula près d’un demi-siècle entre la fin de la guerre médique et le commencement de la guerre du Péloponèse. Pausanias sacrifié, deux ans après la bataille de Platée, Thémistocle banni, cinq ans après la bataille de Salamine, il ne restait plus de chefs ayant figuré au premier rang dans la lutte mémorable qui rassembla, pour un suprême effort, la Grèce confédérée, que le fils de Lysimaque, Aristide. Si l’on peut adresser quelque reproche à la grande mémoire de ce juste, c’est un reproche qui lui sera commun avec plus d’un personnage soucieux de conserver l’affection populaire. Aristide, depuis son rappel de l’exil, ne fit plus ombrage à personne ; on serait tenté de croire qu’un premier bannissement l’avait rendu à l’excès circonspect. S’agissait-il de méconnaître les clauses d’un traité garanti par les plus horribles sermens ? « Détournez sur moi, Athéniens, disait Aristide, les peines que mériterait votre parjure. » — « Faut-il suivre l’avis des Samiens ? » lui demandait-on dans une occasion analogue. — « Cet avis, répondait le fils de Lysimaque, est injuste, mais il est utile. » — Est-ce là, de bonne foi, ce que le plus intègre des Grecs aurait dû répondre ? L’abbé