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et la vapeur ont des facultés analogues. Cependant, si le front de bataille occupe une très grande étendue, l’intervention du bâtiment à rames peut devenir tardive. Une flottille à vapeur elle-même, douée d’une vitesse bien moindre que la vitesse qu’il nous est permis de supposer à une escadre cuirassée, couvrant des lieues entières de ses mille chaloupes, aurait d’autres assauts à combiner ou à soutenir que ceux dont furent témoins les rivages de l’Acarnanie, de l’Achaïe et de l’Elide. Le diecplous et l’anastrophé, — c’est ainsi que les Grecs désignaient les deux mouvemens que vous trouverez inscrits au livre officiel de nos signaux, sous ce double titre : traverser la ligne ennemie, puis venir tout à la fois de seize quarts sur tribord ou sur bâbord, — ne conviennent qu’à une réunion assez limitée de navires. Quand nous parlons ici de flottilles, nous n’avons plus en vue les grandes agglomérations que nous avons montrées à l’œuvre sous Xerxès, nous oublions également celles qui s’apprêtaient à prendre la mer au premier signal de Napoléon. Les flottilles de la guerre du Péloponèse se composaient d’un nombre infiniment moindre de trières : voilà comment les manœuvres qu’elles ont exécutées peuvent encore offrir un certain intérêt aux officiers qui se chargeront de conduire au feu nos escadres. Les géans feront fort bien, à mon gré, de prendre quelquefois exemple sur ces mirmidons. La guerre du Péloponèse a d’ailleurs d’autres enseignemens que les vieux souvenirs d’une tactique étonnée de revoir le jour ; elle peut fournir à cette grande science morale, que je me permettrai d’appeler la philosophie du commandement, l’inappréciable tribut d’un long martyrologe. Jamais le commandement ne s’est exercé dans des conditions plus délicates ni plus périlleuses qu’au sein des sociétés démocratiques de la Grèce.

Il est à regretter que Thucydide ne nous ait pas transmis des détails plus précis sur la construction des navires que la guerre du Péloponèse allait faire entrer en lice ; il aurait évité bien des veilles et bien des soucis à l’érudition moderne. Thucydide, par malheur, se borne à nous apprendre : « qu’au temps de la guerre de Troie, les flottes se composaient en majeure partie de pentécontores, que les tyrans de Sicile et les Corcyréens possédèrent les premiers de nombreuses trières, que les Athéniens en construisirent à leur tour, sur les conseils de Thémistocle, dans l’attente de l’invasion des barbares. » Plus propres au combat que les pentécontores, les trières de Salamine n’étaient cependant pas encore complètement pontées Les trières qui prirent part à la guerre du Péloponèse se présentèrent au contraire sur l’arène pontées de bout en bout. Cent cinquante matelots composaient la chiourme, quelquefois mercenaire, le plus souvent nationale, de la galère grecque ; de quelle façon, sur combien d’avirons avait-on distribué ces cent cinquante