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la tâche de l’année 1879 de se mesurer avec les difficultés qui pourront naître, qui ne seront certainement pas insurmontables avec un peu de sagesse et d’esprit de conduite. L’année 1878, quant à elle, a désormais parcouru sa carrière, elle a fait son œuvre ; elle est restée jusqu’au bout une année de régularité, et au moment où elle allait disparaître, avant la clôture légale de la session législative, les chambres ont consacré leurs dernières heures à la plus sérieuse, à la plus positive des discussions, celle du budget.

Le budget a pu être voté cette fois sans contestation de parti, sans qu’il ait été nécessaire de recourir à cet expédient malvenu et embarrassant des douzièmes provisoires. Un vote assez sommaire, enlevé au pas de course, à la fin d’une session, n’est pas sans doute encore une manière suffisante de rendre au budget de la France les honneurs qui lui sont dus ; on ne doit pas, par respect pour le pays, s’en tenir là à l’avenir, et M. le président du conseil l’a loyalement reconnu en invoquant comme circonstance atténuante l’obligation où l’on s’est trouvé de voter deux budgets depuis le 1er janvier 1878. A défaut d’un examen plus complet qui n’était pas encore possible pour cette année, le sénat a du moins tenu à ne pas laisser passer un budget de près de 3 milliards, et même de plus de 3 milliards avec les dépenses extraordinaires, sans l’accompagner d’une certaine discussion, de quelques réserves ou de quelques amendemens fort légers. M. Chesnelong a prononcé un long discours qui aurait gagné à être dégagé de déclamations politiques trop prévues. M. Bocher, avec la clarté séduisante qu’il sait mettre dans ces débats, a résumé et caractérisé la situation financière en toute sincérité, sans intention hostile comme sans illusion, et surtout sans vouloir créer une ombre d’embarras au gouvernement. M. Pouyer-Quertier, avec sa rondeur normande et sa compétence pratique, s’est attaqué à une modification de l’impôt sur les chèques, et M. le ministre des finances, qui n’était guère en danger, a tenu tête à tout le monde avec esprit, avec son bon sens aimable. M. Léon Say a même trouvé une occasion qu’il n’avait pas eue aussi bien à la chambre des députés d’entrer un peu plus avant dans l’examen des finances. Bref, de cette discussion qui n’a pas duré plus de trois ou quatre jours, il est résulté un budget voté sans nulle difficulté avec une légère augmentation de 200,000 francs pour les desservans âgés, avec un timbre modifié sur les chèques : tout cela sur un ensemble de dépenses et de recettes de près de trois milliards de francs ! C’était assurément bien modeste, et le sénat ne sortait pas de son rôle.

Chose bizarre ! il n’en a pas fallu davantage pour offrir un prétexte à toutes les récriminations, et pour avoir voté en faveur de quelques prêtres âgés une petite augmentation sur laquelle tout le monde était d’accord, à commencer par le gouvernement, pour avoir obtenu une