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il arrivera d’abord à un certain degré pour lequel la quantité d’eau sera la totalité de ce qu’il peut retenir ; à ce moment, il sera saturé, et ce degré sera le degré de saturation ; puis, si l’on vient à continuer l’abaissement de température, la totalité de l’eau contenue dans l’air ne pourra plus y rester dissoute, et une portion redeviendra liquide. Telle est la conclusion que Le Roi déduit de sa comparaison ; on comprend qu’il ait mis tous ses soins à la vérifier.

Il prit d’abord une bouteille de verre blanc, toute neuve, qui s’était naturellement remplie d’air par une journée chaude et humide. Il la plongea à moitié dans un bain d’eau glacée, pour refroidir l’air intérieur. Ayant retiré la bouteille au bout de quelques instans, il vit l’intérieur tapissé de gouttelettes d’eau depuis le fond jusqu’au contour que le bain avait marqué sur la bouteille. Cette expérience prouvait que l’air, ayant été refroidi, avait dépassé le degré de saturation, était devenu incapable de retenir toute l’eau qui s’était dissoute à une température plus élevée, et l’avait lâchée en forme de buée sur le verre froid. Le Roi modifia bientôt son expérience. Au lieu de plonger la bouteille dans un bain froid, il la remplit avec de l’eau dont il abaissait peu à peu la température en y jetant de petits morceaux de glace ; c’était le moyen de refroidir progressivement l’air atmosphérique au contact de la paroi externe. Dès qu’elle fut amenée à un degré un peu inférieur à celui de la saturation, la buée se déposa, sur le verre, et Le Roi reconnut que ce degré est très différent suivant les jours et les lieux. S’il est élevé, c’est que l’air contient beaucoup d’eau ; s’il est bas, c’est qu’il en retient moins : ce degré est lié à la quantité d’humidité de l’air ; il la mesure, et l’appareil qui sert à le déterminer est un hygromètre, l’hygromètre à condensation, l’hygromètre de Le Roi. Il a été depuis modifié dans sa forme, non dans sa théorie, et rendu plus commode dans la pratique. Regnault a réussi à lui donner toute la sensibilité qui lui manquait à l’origine, et l’on peut dire qu’aujourd’hui c’est le seul hygromètre irréprochable. Vingt ans après qu’il eut été inventé, Saussure eut la malencontreuse idée de mesurer l’état hygrométrique de l’air par les allongemens que l’humidité fait subir à un cheveu tendu. Il décrivit à grand fracas son instrument, qui ne valait rien, et, comme il avait beaucoup de crédit, il le fit adopter partout. On s’aperçut trop tard que, si l’appareil était capable de donner des indications vagues, il était insuffisant quand on lui demandait des mesures précises. Pendant près d’un siècle, on s’occupa d’y remédier ; mais tout fut inutile, il fallut revenir à l’hygromètre de Le Roi, qu’on n’aurait jamais dû quitter. En tout ce qu’il fait, l’homme hésite et se trompe : il n’arrive au vrai que par des erreurs corrigées.