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soleil, soit quand elle retourne vers le ciel ; c’est donc par une double cause qu’il s’échauffe, par cette absorption d’abord et ensuite par les contacts répétés de ses molécules avec le sol. Pour ces deux raisons, l’air est un manteau, un manchon, une couverture douée de la propriété d’emmagasiner la chaleur qui vient et d’arrêter celle qui s’en va, et c’est pour cela que les nuits gardent une température qu’elles ne pourraient conserver sans les bienfaits de notre atmosphère. Le même privilège n’est point échu à la lune, qui reste nue au milieu des deux et qui doit éprouver, pendant ses nuits vingt-huit fois plus longues que les nôtres, un effroyable refroidissement. Les observations de Pouillet nous ont appris que l’air absorbe dans le sens vertical environ le quart ou le cinquième de la chaleur solaire ; ce qu’il y a de plus curieux, c’est que son action n’est pas toujours la même : elle varie suivant les jours, et, puisqu’elle varie, il faut que l’air éprouve des changemens dans sa constitution. On peut se demander quels sont ces changemens.

Ce qui fait le caractère particulier des sciences d’observation, c’est qu’elles ne résolvent une question que pour en poser une autre. La rosée nous a conduits au rayonnement et à la faculté absorbante de l’air. Nous sommes maintenant amenés à demander quelle est la partie de l’air qui cause cette absorption. Est-ce l’oxygène ? est-ce l’azote ou la vapeur d’eau ? La question va changer encore une fois de face et nous montrer de nouveaux acteurs.

C’est M. Tyndall qui a tout récemment abordé ce sujet ; je n’ai point à présenter ce savant distingué aux lecteurs de la Revue, il y a longtemps que sa réputation a franchi le détroit. M. Tyndall n’est pas seulement un des plus habiles professeurs de l’époque, c’est encore un explorateur passionné des montagnes. Le premier il a gravi le Mont-Rose, et passé sur le Mont-Blanc une nuit tout entière, employée à des observations sur ce point élevé, qu’il n’est pas donné à tout le monde d’aborder. En revenant de ces courses fatigantes, où sa curiosité avait été éveillée, il nous a donné la théorie des glaciers, ses belles recherches sur la couleur du ciel bleu, et enfin plus récemment ses expériences sur la faculté absorbante des gaz. Je vais les analyser. M. Tyndall mesura, avec des précautions qu’il est inutile de raconter ici, la proportion de chaleur qui traversait un long tube, fermé par des glaces de sel gemme, d’abord vidé et rempli ensuite avec différens gaz. Le résultat de ces études a été bien inattendu. A part quelques exceptions, tous les gaz se laissent également traverser par la lumière, et l’œil ne les distingue pas. Mais pour la chaleur obscure, les uns l’arrêtent, comme le gaz ammoniac, d’autres la laissent passer. C’est le cas précisément de l’air quand il est sec et pur, et c’est à peine si l’on saisit une différence légère entre ce gaz et le vide. On en conclut que, si