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l’atmosphère était toujours sèche et pure, elle n’aurait point le pouvoir d’absorption que Pouillet lui a trouvé ; mais il suffit d’un parfum, même en proportion minime, pour lui enlever sa transparence : l’essence d’anis le rend trois cent quatre-vingts fois plus absorbant. A défaut d’essence, les fleurs suffisent ; à elles seules elles expliqueraient tout. C’était surtout la vapeur d’eau qu’il fallait étudier, et il se trouva qu’elle était au moins soixante-dix fois aussi absorbante que l’air dont elle tenait la place. On me permettra de citer en entier le passage où M. Tyndall résume l’effet de cette importante découverte. « Il ne peut y avoir de doute sur le degré considérable d’opacité de la vapeur aqueuse pour les rayons de chaleur obscure et principalement lorsque ces rayons émanent de la terre après qu’elle a été réchauffée par le soleil. La vapeur aqueuse est une couverture plus nécessaire à la vie végétale de l’Angleterre que les vêtemens ne le sont à l’homme. Otez pendant une seule nuit la vapeur aqueuse contenue dans l’air qui environne notre pays, et vous détruirez certainement toutes les plantes qui peuvent être détruites par la gelée. La chaleur de nos champs et de nos jardins se répandra sans retour dans l’espace, et lorsque le soleil viendra reparaître sur notre île, il la retrouvera en proie à un froid rigoureux. La vapeur aqueuse est une écluse locale qui emmagasine la température à la surface de la terre. L’écluse cependant finit par déborder, et l’espace absorbe tout ce que nous recevons du soleil[1]. »


IV

Il n’est point de fonction naturelle, si petite qu’elle paraisse, qui n’ait son rôle dans le grand mécanisme. Quel est celui de la rosée ? Voici comment le célèbre Hales répondait à cette question en 1735 : « Le grand bien que fait la rosée dans les temps chauds vient de ce qu’elle est sucée par les feuilles et les autres parties hors de terre des végétaux, car cela les rafraîchit dans l’instant, et cette rosée leur fournit encore assez d’humidité pour suppléer à la grande dissipation qui s’en fait les jours suivans. » Sans contredire à l’opinion de Hales, je crois que la rosée a plus d’importance générale et plus d’utilité pratique qu’un simple arrosage. Mais, avant d’aborder cette question, il faut rappeler la condition essentielle de toute formation ou de toute précipitation des vapeurs. On peut l’énoncer ainsi : « Pour volatiliser l’eau, il faut lui donner de la chaleur ; pour condenser la vapeur, il faut lui en reprendre. » Cela est évident quand on considère l’énorme quantité de charbon

  1. La Chaleur, p. 309.