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plupart au cabinet des estampes, elles présentent tous les signes de la plus rigoureuse authenticité et donnent au livre de M. Drumont un caractère d’exactitude qui doit lui assurer un succès plus solide que celui de la plupart des publications dites du jour de l’an.


Le Pessimisme au dix-neuvième siècle, par M. E. Garo, de l’Académie française. Paris, 1878.


C’est l’originalité de M. Caro, parmi nos philosophes contemporains, que de n’avoir jamais, ni dans son enseignement ni dans ses livres, séparé la métaphysique d’avec la morale, ou pour mieux dire, la spéculation d’avec l’action. Fidèle aux traditions de la grande et bonne école, M. Caro n’a jamais admis que la morale se proclamât indépendante de la métaphysique, mais ce qui est plus rare, il n’a jamais admis non plus, de quelque pénétration pourtant et de quelque aisance qu’il ait fait preuve lui-même dans la spéculation, que la métaphysique fût indépendante de la morale. L’homme est né pour l’action, pour l’effort, pour la lutte, non pour s’asseoir, comme les rishis indous, entre quatre feux, sous le bananier solitaire et s’y absorber dans la contemplation de son nombril. Vivre c’est agir, penser c’est combattre, savoir c’est pouvoir. Autrement ni la science ne vaudrait la peine d’être sue, ni la vie d’être vécue. Ce ne sont pas des principes logiques ou des aphorismes spéculatifs qui jugent une métaphysique ; c’est la manière dont elle s’accommode avec le premier devoir qui nous incombe, qui est le devoir de vivre. Telle est la philosophie, pour ainsi dire agissante, qui respire dans les livres de M. Caro.

Tôt ou tard, mais un jour inévitablement, cette philosophie de l’action devait rencontrer sur le chemin de l’histoire cette philosophie de l’anéantissement volontaire ou de la négation du vouloir vivre, que l’on décore aujourd’hui du nom de pessimisme. Il était à souhaiter qu’on l’attaquât, et que, dissipant toutes les obscurités, on démontrât que le Schopenhauerianismus n’est rien de plus dans son fond, dans son inspiration première et dans la personne enfin de son fondateur qu’une transformation de la philosophie de l’égoïsme et de la jouissance.

Qu’y a-t-il en effet de nouveau dans ces doctrines dont on fait aujourd’hui tant de bruit, ou plutôt sont-ce seulement des doctrines ? Non, dit M. Caro dès sa préface, mais bien « une sorte de maladie intellectuelle, une maladie privilégiée. » C’est le vrai mot. Les pessimistes sont des malades. Je sais bien qu’ils ne sentent pas leur mal. Ils ont la prétention de philosopher. Je sais, pour l’avoir entendu dire, que Schopenhauer a disserté sur la quadruple racine du principe de la raison suffisante. Je sais, parce que je l’ai lu dans une préface, que la Philosophie de l’Inconscient a sonné dans l’Allemagne contemporaine le « réveil de l’activité métaphysique. » Mais, à dire le vrai, cette philosophie, cette