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tout se fait par masses (emprunts, armées, capitaux, travaux publics, expositions, etc.), les petits moyens individuels ne suffisent plus, il faut agir sur une très forge échelle, avec de puissans agens et d’abondantes ressources. De là la nécessité de donner à l’instruction populaire un développement nouveau, sans proportion avec ce|(qui aura été fait jusqu’ici. Ce qui a toujours été pour la société un devoir, pour les pauvres un droit, est devenu aujourd’hui par le fait de notre organisation industrielle une nécessité pratique de premier ordre.

On ne peut donc qu’éprouver le plus vif intérêt de voir les questions de ce genre traitées avec toute la compétence de l’expérience par des esprits qu’éclairent en même temps les principes les plus élevés de la théorie. Deux ouvrages éminens seront à ce double titre consultés avec le plus grand fruit. C’est d’une part le Rapport sur l’instruction primaire à l’exposition de 1878 par M. Gréard, membre de l’Institut et directeur de l’enseignement primaire dans le département de la Seine ; de l’autre le Rapport sur l’instruction primaire à l’exposition universelle de Philadelphie par M. F. Buisson, inspecteur général de l’enseignement primaire. Ces deux écrivains ne le cèdent à personne pour l’expérience pratique et la compétence spéciale. M. Gréard, depuis plus de dix ans qu’il dirige l’enseignement primaire dans le département de la Seine, a marqué sa trace par l’impulsion vigoureuse qu’il a donnée aux écoles, par les méthodes qu’il y a introduites, par les établissemens qu’il a contribué à fonder, par l’excellent personnel qu’il a formé, enfin par le tact et la finesse de son action, sachant concilier les esprits dans les situations les plus délicates. M. F. Buisson, plus jeune, a montré dans deux ou trois occasions notables (par exemple à Vienne et à Philadelphie) la connaissance la plus approfondie de ces matières. En un mot, la compétence de ces deux personnes ne peut guère être mise en doute ; mais ce que je tiens surtout à faire remarquer ici, c’est que leur compétence, pour être spéciale, n’est pas étroite, qu’elle n’est pas exclusivement renfermée dans des détails techniques, qu’ils ont apporté d’autre part la généralité de vues et l’esprit d’observation philosophique qui fécondent l’esprit pratique et en corrigent et en étendent les limites. M. Gréard est un lettré, un moraliste. Il a amusé ses loisirs par une traduction élégante des lettres d’Héloïse et d’Abélard ; il a consacré à la morale de Plutarque un excellent ouvrage qui fait autorité. Ses rapports, pleins de faits, sont écrits avec élévation et avec charme, mêlés d’observations délicates et fines : c’est la morale qui l’a conduit à la pédagogie. M. F. Buisson, de son côté, y a été conduit par la philosophie. Il est un de nos jeunes agrégés que nous aurions aimé revendiquer pour notre enseignement philosophique, supérieur ou secondaire ; et nous lui