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proclamations adressées à la nation et à l’armée devaient leur faire connaître les motifs qui avaient décidé le sénat à changer la forme du gouvernement. Enfin tout le plan de la conjuration fut réglé. Mais trop de personnes étaient dans l’affaire ; la police eut l’éveil, une délation se produisit, et, bien que le mouvement eût été contre-mandé, Malet et la plupart des conjurés furent arrêtés. Il eût été facile de les traduire devant la haute cour de justice. L’empereur ne fut pas de cet avis. Il considérait Malet comme un fou qu’il fallait mettre dans l’impossibilité de nuire, Demaillot et Bazin comme des énergumènes qu’on devait garder sous clé. On ne retint qu’eux en prison, tous les autres furent relâchés.

« L’emprisonnement politique est la pierre de touche des caractères, » dit excellemment M. Hamel au début d’un de ses chapitres. En tout cas, c’est une épreuve à laquelle résistent malaisément les âmes médiocrement trempées. Malet, son apologiste lui-même en convient, n’eut rien dans sa prison d’un stoïcien. Ce grand citoyen, ce caractère antique, cet homme de bronze, se montra singulièrement souple et délié pendant les quatre années que dura sa détention. Il ne se contenta pas de solliciter à plusieurs reprises son élargissement ; il en vint à prodiguer au ministre de la police, à l’empereur lui-même les plus explicites assurances de dévoûment et de fidélité.

Le 18 août 1809, il demande à son excellence le ministre de la police générale son transfert à la maison de santé du docteur Dubuisson. Ayant obtenu cette faveur, il adresse, en date du 9 octobre 1809, une nouvelle pétition au duc de Rovigo. « Quoique je n’aie pas l’honneur d’être personnellement connu de son excellence, écrit-il, je me refuse à penser qu’elle puisse croire que ma présence fût dangereuse à Paris. Si cela pouvait être, elle aurait été induite en erreur par des personnes qui me jugeraient fort mal et connaîtraient mal mes principes, et si je pouvais imaginer que ce fût là le motif de l’indécision de son excellence, je lui demanderais de m’éloigner de Paris sur ma parole d’honneur de n’y revenir que lorsqu’elle le croirait convenable. Je ferais volontiers ce sacrifice pour lui donner une preuve de ma bonne foi et de la pureté de mes intentions… »

Cette seconde démarche ayant échoué, il s’adresse un an après, en juillet 1810, à la fois à « sa majesté impériale et royale, » et au ministre de la police. Il demande humblement à l’empereur de jeter les yeux sur un mémoire joint à sa pétition, et dans lequel sont énumérés tous les services qu’il a été « assez heureux de rendre à sa majesté ; » il l’assure qu’elle verra par cet exposé « qu’il ne s’est pas seulement renfermé dans les bornes de son devoir, mais qu’il a saisi toutes les occasions de lui prouver son zèle et son