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amélioré, et c’est cependant en ce moment que la maladie se déclare. Elle apparaît même dans un pays où l’aisance est générale comme aux États-Unis. Ce n’est donc pas la misère qui en est la cause ; c’est le contraste entre l’idéal et la réalité. Ce qui la répand et la fera durer, c’est d’abord la liberté et les droits politiques ; c’est en second lieu la diffusion de certaines connaissances de science naturelle et d’économie politique ; ce sont enfin les communications incessantes et si rapides qu’établissent entre les hommes, les chemins de fer, la poste et surtout la presse. Quand un mouvement révolutionnaire part de quelques chefs, en les supprimant on met un terme au danger. Mais quand une fermentation profonde s’est emparée des masses, c’est en vain qu’on se débarrasse de quelques meneurs ; il s’en élève toujours d’autres pour les remplacer. Supprimerez-vous toutes les libertés ? Il est trop tard. On acceptera un régime exceptionnel pendant un moment de crise ; mais aucun des états civilisés de l’Occident ne se soumettrait plus définitivement à l’absolutisme et à l’état de siège. On voit d’ailleurs en Russie que ce n’est pas ainsi qu’on trouve la sécurité. Seul, d’après M. Todt, le christianisme, pénétrant les classes hostiles, peut les réconcilier sur le terrain de la charité et de la justice. Examinant ensuite successivement les divers points du programme du socialisme radical, il les compare aux principes de l’Évangile et il montre en quoi ils s’en rapprochent et où ils s’en éloignent. Cette étude sur la portée sociale du christianisme indique parfaitement les rapports intimes qui existent entre l’économie politique étales idées religieuses.

Nous ne pouvons discuter ici les nombreuses questions que ces rapprochemens soulèvent. Nous croyons seulement pouvoir dire que l’idée fondamentale du groupe social évangélique est juste. Pour désarmer les animosités populaires il faut que les classes supérieures, à commencer par les chefs de l’état, s’occupent de tout ce qui peut améliorer le sort du plus grand nombre. La charité chrétienne doit se traduire en faits. Jadis on croyait s’acquitter de ce devoir par l’aumône. Sans doute elle sera toujours indispensable en certains cas ; mais, trop facile ou trop abondante, elle dégrade celui qui la reçoit et encourage l’oisiveté. La science économique nous prouve qu’il est moins facile de faire le bien. Ce qu’il faut, c’est mettre l’ouvrier à même d’améliorer son sort par ses propres efforts, et à cet effet multiplier les institutions qui l’élèvent et le civilisent : sociétés ouvrières, bibliothèques populaires, banques populaires, sociétés d’épargne, écoles d’adultes, écoles industrielles. Il faut que l’initiative des philanthropes et des patrons en fonde partout. MM. Stocker et Todt ont raison : les classes supérieures, par leur matérialisme pratique, exercent une funeste influence sur ceux qui