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plus le gouvernement de l’instruction publique. Un ministre honnête homme avait rendu toute sécurité à l’enseignement supérieur. Et bientôt, quelle situation nouvelle ! que d’autres préoccupations ! que d’autres menaces ! Encore une fois, c’est surtout la date de 1875 qui parut singulière et fâcheuse. Quatre années seulement après les forfaits de la commune, publier des comédies aristophanesques contre les tribuns d’avant le déluge, vraiment, même pour un noble rêveur, la distraction était trop forte. Ses meilleurs amis en furent un peu choqués. N’y avait-il pas eu d’autres tribuns en 1871 qui faisaient oublier ceux de la veille ? Je ferme les comédies politiques de M. Victor de Laprade et je relis les courageuses études de M. Maxime Du Camp.

M. Victor de Laprade n’est pas seulement un poète, il a enseigné, il a des doctrines littéraires et une philosophie de l’art. Cette philosophie renferme des parties très hautes ; en tout ce qui concerne les poésies primitives, l’ancien disciple de Ballanche, l’ancien ami d’Edgar Quinet montre toujours un sentiment profond uni à des vues souvent originales. Ce génie de l’art grec qui la si bien inspiré dans Psyché d’abord et trente ans plus tard dans sa belle tragédie d’Harmodius, il l’a expliqué excellemment dans une large étude sur Homère. J’oserai dire pourtant que sa philosophie de l’art, considérée dans son ensemble, aurait eu besoin de ce travail d’évolution, de correction successive, que nous avons pris plaisir à retrouver dans le développement de sa poésie. L’auteur de Pernette est plus complet que l’auteur de Psyché ; le critique chez M. de Laprade n’a pas suivi la même marche et réalisé le même progrès. Le fond de ses doctrines est toujours d’un ordre supérieur ; il lui arrive maintes fois de les appliquer à faux. Il ne voit qu’un aspect des œuvres de l’esprit, celui qui a le plus de rapports avec son propre talent ; il a le culte du grand, du grave, de tout ce qui présente un caractère hiératique et sacré ; quoique la grâce ne lui manque certainement pas, ni l’esprit vif et mordant, ni la familiarité charmante, il est disposé à méconnaître la valeur de ces dons exquis dans notre tradition française. Il semble ne pas se rappeler que cette tradition, en ce qu’elle a de meilleur, est toujours aussi souple que forte, aussi prompte à la joie qu’à l’héroïsme. Montesquieu disait de la France : « Laissez-lui faire sérieusement les choses frivoles et gaîment les choses sérieuses. » M. de Laprade, qui confond trop souvent l’ironie malsaine de l’impiété avec la saine vigueur du génie comique, a trop oublié que Molière, par exemple, faisait très gaîment des choses très sérieuses.

Parmi les écrits en prose de M. Victor de Laprade une place particulière est due à ses ouvrages sur l’éducation. Dans un sujet qui se prête si bien aux déclamations vaines, il a montré un esprit