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ajouta l’archevêque, quand même la bulle serait authentique, on peut dire qu’elle a perdu toute force, puisque Boniface VIII l’avait en fait révoquée, en interdisant au roi de rien prendre sur le clergé nonobstant tout privilège au contraire. Le gouvernement royal risquait donc souvent dans les assemblées du clergé de se heurter contre une résistance qui s’appuyait sur une autorité qu’il ne pouvait contester sans s’exposer à devenir schismatique. De là des ménagemens qu’il n’avait pas à beaucoup près avec les deux autres ordres. Il ne manquait pas de rappeler à l’auguste réunion que dans une nécessité pressante le grand-prêtre des Juifs n’avait pas refusé au saint roi le secours des pains de proposition consacrés à Dieu et destinés à la subsistance des ministres de l’autel. Mais, tout en étant plein de condescendance pour le clergé, le roi de France n’entendit jamais s’interdire l’indispensable faculté d’exiger des contributions de ce corps, où il était toujours assuré de trouver les ressources que ne lui offrait plus le pays épuisé. La lutte contre les huguenots lui fournit des motifs légitimes et permanens de demander à l’église catholique un concours pécuniaire plus efficace et plus certain. Vaincre les hérétiques, c’était travailler à l’affermissement de l’autorité du clergé ; celui-ci aurait eu mauvaise grâce à refuser les fonds nécessaires à la continuation de la guerre. Déjà sous François Ier, comme on l’a vu ci-dessus, le clergé avait réclamé du roi l’extermination des luthériens, c’est ainsi qu’on appelait encore les protestans de France. La célèbre assemblée désignée dans l’histoire sous le nom de Colloque de Poissy et qui se tint en 1561 fut le point de départ d’un régime de contributions régulières et périodiques, que le clergé consentit à payer pour un laps de temps déterminé, au bout duquel le contrat était renouvelé à peu près avec les mêmes clauses.

Les états-généraux s’étaient tenus à Orléans en 1560, sans avoir voté les subsides qu’on attendait d’eux. Les députés des états avaient allégué qu’ils n’avaient point de mandat à cet égard ; on avait dû procéder à des élections nouvelles, et l’année suivante, au mois d’août, les états ayant été assemblés à Pontoise, le gouvernement de la régente leur avait présenté ses demandes d’argent. Les députés de la noblesse et du tiers s’étaient seuls réunis dans cette ville. ; ceux du clergé s’étaient rendus à Poissy, où l’on devait ouvrir des conférences entre les représentans les plus éminens de l’église gallicane et quelques-uns des ministres de la foi nouvelle. Ceux qui rêvaient la pacification religieuse s’étaient imaginé que les délégués des deux communions parviendraient à se mettre d’accord et que des concessions mutuelles arrêteraient les déchiremens qui menaçaient le royaume. Le vent était alors à la réforme religieuse ; on la