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passions ambitieuses et rancunières ; elles donnent seulement à celles-ci une apparence de sainteté qui abuse ceux mêmes qui les éprouvent en leur faisant croire qu’ils agissent constamment pour la gloire de Dieu. Les intrigues ne manquaient donc pas à ces réunions, pas plus qu’elles n’ont fait défaut aux conciles et aux conclaves, et aux assemblées on se les interdisait d’autant moins que, ces assises n’ayant pas le caractère de synodes, on ne craignait point de compromettre le Saint-Esprit. La lutte principale était engagée avec le pouvoir royal à propos des subsides réclamés. Les évêques, grands seigneurs pour la plupart, tenaient fortement à leurs prérogatives, et ils les défendirent parfois avec une hauteur où la morgue du prélat se trouvait doublée de l’arrogance du gentilhomme, car, soit dit en passant, la noblesse en corps pas plus que le clergé n’avait cette extrême politesse et ces façons courtoises qui distinguaient individuellement, dans les derniers temps de l’ancien régime, les gens de qualité des hommes de rien. Les députés du second ordre, à l’assemblée du clergé, tenus quelque peu à distance par les prélats, ne jouèrent longtemps dans les séances qu’un rôle assez effacé, quoiqu’ils fussent généralement plus instruits et plus entendus dans les affaires. On les choisissait en effet le plus souvent parmi les grands-vicaires, les dignitaires des chapitres, les abbés et les prieurs des monastères importans. Il y avait donc en réalité dans les assemblées la chambre haute et la chambre basse, car les députés du second ordre siégeaient derrière ceux du premier ordre de leurs provinces respectives. La chambre haute exerçait une influence très prépondérante, et la chambre basse n’arriva jamais à tirer à elle l’autorité dans les délibérations. Cette double représentation engendrait seulement deux courans, courans qui étaient un peu comme ceux de l’atmosphère ; on ne pouvait guère en constater l’existence que lorsque des nuages s’amoncelaient ; elle était indiquée par la direction inverse qu’en prenaient les différentes couches. Le pouvoir royal cherchait à s’assurer par des faveurs et des promesses une majorité qui lui échappa plus d’une fois ; il se ménageait au sein des assemblées, parmi les évêques surtout, des serviteurs dévoués qui ne négligeaient rien pour tout faire tourner à son avantage, qui savaient empêcher d’aboutir les résolutions que la majorité était disposée à sanctionner ou annuler celles qu’elle avait prises. Tout cela apparaîtra clairement par l’histoire de quelques-unes des sessions qui ont le plus marqué dans la vie parlementaire du clergé français et d’où sont sortis les plus notables de ses actes.


ALFRED MAURY.