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l’étranger, il importe d’autant plus de les placer au moyen de conventions à l’abri des changemens de tarif que plusieurs états réalisent ou annoncent l’intention de hausser les droits de douane.

De la part des gouvernemens, ces relèvemens des tarifs ne procèdent que d’une pensée fiscale. Les énormes dépenses de guerre ont obéré les budgets ; il faut, à tout prix, procurer au trésor un supplément de recettes, et, comme on a épuisé l’impôt direct ainsi que les principales sources où s’alimentent les impôts de consommation, les financiers reviennent à l’impôt des douanes, dont la perception, déjà organisée, n’exige pas un surcroît de dépenses. En Espagne, en Italie, en Suisse, le langage officiel n’attribue aux propositions de surtaxes que le caractère d’un expédient fiscal et il désavoue toute idée de retour systématique au régime de la protection. Les industriels n’en profitent pas moins de ces tendances qui servent leurs intérêts particuliers, et ils soutiennent vigoureusement les ministres qui les aident, même sans le vouloir, à repousser les importations étrangères. Les protectionnistes de tous pays observent avec intérêt ces évolutions de la loi douanière dans une partie de l’Europe, et tout récemment ils ont dû trouver un nouveau sujet de triomphe dans les déclarations du prince de Bismarck, recommandant la révision des tarifs de l’Allemagne.

Les déclarations contenues dans un mémoire que le prince de Bismarck a adressé au conseil fédéral ont, avant tout, une portée financière. Le chancelier de l’empire entend diminuer le poids des impôts directs, qui sont devenus écrasans, et augmenter le chiffre des recettes qui proviennent des impôts indirects ; puis, examinant chacun de ces derniers impôts, il fait observer que « l’Allemagne est en retard sur d’autres états dans le développement financier de ses institutions douanières. » Il propose donc un système qui reporte sur la douane la portion de taxe dont sera déchargée la contribution directe. A cet effet, il maintient, sauf de légères augmentations, les tarifs qui frappent actuellement les produits fabriqués (tarifs qui sont inférieurs à ceux que l’on perçoit en France pour les articles similaires) ; il conserve la franchise pour les matières premières exotiques telles que le coton ; il suppose pour le surplus une taxe moyenne de 5 pour 100. C’est le principe de la « taxation universelle, » qui avait été adopté par l’ancien Zollverein et qui consiste à percevoir une part d’impôt sur tous les articles importés, mais une part légère sur chaque article. Que pour rallier des partisans à ce système, le prince de Bismarck ait fait vibrer, à la fin de son mémoire, la corde de la protection, cela n’est pas contestable ; si puissant qu’il soit, il n’est pas homme à engager une campagne sans rechercher des alliés ; il a donc flatté de son mieux les