Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de nous arrêter un instant ; cherchons donc quelle part de vérité elle comporte.

Grâce à la présence de l’iris, sorte de diaphragme percé à son centre d’une ouverture circulaire, l’œil se trouve être une chambre noire sur le fond de laquelle viennent se peindre les objets extérieurs. Les rayons émanés des parties claires d’un objet décolorent les parties de la rétine qu’ils frappent ; aux parties moins éclairées correspondent dans l’œil des régions décolorées plus faiblement, et les parties sombres sont indiquées par des régions qui ont gardé leur couleur foncée. En somme, l’image de l’objet sera reproduite sur la rétine, qui en présentera pour ainsi dire une épreuve positive.

Mais une objection se présente dès l’abord. La rétine est décolorée par la lumière, soit ; mais dès que l’obscurité survient, même relative, la pourpre visuelle reparaît ; comment fixer l’image qui s’est momentanément produite ? Dans l’œil normal, il y a compensation continue entre la fonction purpurogène de la rétine et l’action décolorante de la lumière. Pour obtenir un optogramme, il faut au contraire que cette compensation cesse et que la décoloration proportionnelle puisse être fixée.

S’appuyant sur le fait que l’action purpurogène de la rétine s’éteint peu après la mort, Kühne opéra sur des yeux fraîchement extirpés, ainsi que l’indiquait la théorie. Il immobilisa des yeux frais dans une position déterminée, devant des objets quelconques, pensant que les images se formeraient au fond de l’œil comme d’habitude, que la décoloration proportionnelle aurait lieu et que les parties décolorées resteraient dans cet état : il n’y aurait plus qu’à fixer la photographie ainsi obtenue. Toutes les expériences faites dans ces conditions échouèrent. Sans doute l’on voyait sur la rétine une tache blanchâtre représentant la forme et la grandeur relative de l’objet : l’expérience réussissait dans ce qu’elle a d’essentiel, mais les images obtenues avaient des contours vagues et indéterminés.

La cause de cet insuccès paraissait résider surtout dans l’opacité que produit la mort dans la rétine des mammifères. On pouvait échapper à cette circonstance fâcheuse en opérant sur les yeux vivans. Mais ici nouvel obstacle ; la pourpre se régénérait, et l’image ne pouvait se fixer. Néanmoins Kühne tenta l’expérience et obtint des résultats inespérés. Un animal vivant fut immobilisé devant une ouverture carrée pratiquée dan& un volet de fenêtre. L’animal fut d’abord recouvert d’un drap noir pour que la pourpre visuelle pût se régénérer en entier ; pendant trois minutes, ses yeux subirent l’impression lumineuse, après quoi il fut décapité. Un œil fut rapidement extirpé à la lumière du sodium et plongé dans une solution d’alun. L’autre, deux minutes après la mort, fut traité de même ; seulement le globe oculaire fut laissé en place. Le lendemain Ton détacha les deux rétines, et l’on aperçut fort