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l’expédition fut prête. 5,000 hoplites, 380 archers, 700 frondeurs, 670 soldats armés à la légère, 30 cavaliers seulement, s’embarquèrent à bord de 134 trières et de 2. Pentécontores. 30 navires de charge devaient suivre à la voile ces bâtimens à rames, portant, avec les vivres, les boulangers, les maçons, les charpentiers et tout le matériel nécessaire à la guerre de siège. Attirée par l’appât du gain, une innombrable flottille se préparait également à passer en Sicile pour y approvisionner les marchés. Jamais, depuis la grande invasion de Xerxès, les eaux de la Grèce n’avaient vu un armement aussi formidable. La fureur de s’embarquer saisit tout le monde, et la perspective d’une navigation lointaine, — la plus lointaine qu’on eût entreprise jusqu’alors, — ne rebuta personne. Il était impossible cependant de se faire illusion : la campagne serait longue. Une ville parvenue au degré de prospérité qu’avait atteint Syracuse ne s’enlève pas par un coup de main ; on comptait, il est vrai, trouver des alliés sur la côte même, et on nourrissait l’espoir très plausible de raviver les mécontentemens des peuplades de l’intérieur restées hostiles aux colonies grecques.

La marine à rames a toujours affecté des allures théâtrales. Le roi de France, au milieu du XVIIe siècle, ne dépensait pas moins de 1,425 livres pour orner de sculptures et pour couvrir d’or la poupe de ses galères, vaisseaux de vingt-cinq bancs et de cinquante rames, qui, avec leurs mâts, leurs antennes et leurs avirons de hêtre, lui revenaient à peine à 23,000 livres. Les trières d’Athènes partant pour la Sicile firent appel au talent des élèves de Phidias. La simplicité antique avait disparu ; les logemens mêmes des triérarques, logemens établis, comme ils le sont encore aujourd’hui, sur l’arrière du navire, portaient l’empreinte de ce luxe inutile dont se défend toujours mal une marine opulente. La solde des matelots, — par matelots il ne faut pas entendre ici les rameurs, mais bien les hommes d’élite qui manœuvraient, sur le pont supérieur les voiles et les ancres, — la solde des matelots, disons-nous, était la plus forte qui leur eût jamais, été allouée. L’état l’avait fixée à 90 centimes par jour ; les triérarques y ajoutèrent, de leur propre mouvement, un supplément qui fut également payé aux thranites.

Si nous nous représentans les thranites placés au-dessus des zygites et des thalamites, leur droit à cette allocation est incontestable, car ils ont certainement à manier les rames les plus longues et les plus lourdes. Leurs prétentions à un traitement privilégié seraient-elles moins légitimes dans le cas où ils occuperaient les bancs les plus voisins de la poupe ? Les rames sur ces bancs n’ont pas seulement une longueur plus grande, un poids plus