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de nouvelles couches sociales. Les machines, dit Playfair en 1801, suppléent au travail de trois millions de personnes, en employant des ouvriers inanimés dont la dépense ne monte pas à un penny et demi (15 centimes) pour chaque, shilling (1 fr. 25) de travail. Depuis lors, le nombre des « ouvriers inanimés » a considérablement augmenté. En 1871, les machines fixes représentaient une force de 936,405 chevaux-vapeur, et si, comme on l’a proposé, on évalue cette unité de force à l’égal du travail de 21 hommes, ce serait à 19,664,505 paires de bras que lia vapeur suppléerait. N’oublions pas d’ajouter que les locomotives représentaient à la même date environ 1,800,000 chevaux-vapeur et les navires plus de 500,000. Voilà les fondemens d’une puissance productive qui, ajoutée aux vastes colonies, aux mines de fer et de houille (que nous n’osons plus dire inépuisables), à la situation géographique et à tant d’autres avantages qu’on nous dispensera d’énumérer, a fait naître des richesses devenues proverbiales. Mais les progrès inouïs dont notre siècle a été témoin continueront-ils au même taux à l’infini, les produits pourront-ils décupler, centupler ? Ne doit-il pas venir un moment où la multiplication des marchandises se ralentira, deviendra stationnaire ? On prétend que ce moment est arrivé. Les autres pays ont voulu avoir chacun son industrie nationale, et ils l’ont eue, on se fournira moins en Angleterre, celle-ci devra compter un peu plus sur sa propre consommation, qui cependant ne peut dépasser la capacité de sa population.

Cette population, on l’a vu, s’est augmentée depuis un siècle d’une manière surprenante ; mais certaines conditions de progrès vont lui manquer, parce qu’elle a cessé d’être dans une situation normale. L’industrie n’a plus derrière elle le soutien d’une nombreuse population rurale, et il n’est pas probable que les cultivateurs renaissent et forment les denses et profondes masses que le XVIIIe siècle pouvait mettre en ligne. Au dernier recensement de l’Angleterre, sur 22,712,266 âmes, la classe des « personnes possédant ou travaillant la terre et occupées à cultiver des céréales, des fruits, des prairies, à élever du bétail ou à fournir d’autres productions agricoles, » formait un groupe de 1,559,037 individus des deux sexes. En 1861, le personnel actif de la classe agricole (enfans non compris) s’élevait à 1,531,275 âmes ; en 1851, nous ne trouvons encore qu’un chiffre peu supérieur, 1,576,080, mais la population ne comptait en tout alors que 18,054,170 âmes. Il y a vingt-cinq ans, sur 1,000 Anglais, 87 s’occupaient d’agriculture ; en 1871, il n’en restait plus que 70 dans les campagnes. Depuis cinquante ans le nombre des travailleurs ruraux a diminué de moitié. Au point de vue étroit que nous allons indiquer, cette diminution