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Mon Dieu ! il y a peut-être au fond une raison bien simple, très humaine, qui joue souvent un plus grand rôle qu’on ne le croit dans la politique : ces » que M. Canovas del Castillo était depuis longtemps aux affaires ! M. Canovas del Castillo a été le véritable organisateur de cette restauration espagnole dont le général Martinez Campos avait été le premier promoteur militaire. Depuis l’avènement du roi Alphonse, il n’a cessé d’être au pouvoir, ayant à faire face à des difficultés de toute sorte, à la guerre civile du nord, à l’insurrection de Cuba, à toutes les nécessités d’une réorganisation intérieure, déployant à cette œuvre autant de souplesse que de fermeté, évitant toute concession aux idées anarchiques et toute réaction absolutiste ou religieuse. Il a voulu être le premier ministre d’une restauration constitutionnelle, il a réussi ; mais il est depuis plus de quatre ans déjà au pouvoir, et dans un pays comme l’Espagne, même dans bien d’autres pays, un ministère si prolongé finit par irriter les partis à peine réconciliés, M, Canovas del Castillo était le premier à le sentir ; il comprenait qu’à l’approche d’une dissolution devenue inévitable des cortès il devait offrir au roi sa démission, ne fût-ce que pour ne pas paraître vouloir prolonger son règne ministériel à la faveur des élections. Rien n’était encore décidé cependant, et ce qui en réalité a déterminé ou précipité la crise, c’est l’arrivée à Madrid du général Martinez Campos revenant en triomphateur de Cuba.

Le général Martinez Campos, qui le premier il y a quatre ans relevait le drapeau du roi Alphonse, est aujourd’hui un des plus brillans chefs militaires de l’Espagne. Après avoir contribué avec un certain éclat à terminer la guerre carliste, il vient de passer deux années à Cuba, où il a réussi à en finir avec une insurrection de dix ans. Il ne s’est pas borné à agir en soldat, il a procédé en politique. Il n’a pas tardé à comprendre que cette pacification qu’il venait de réaliser ne serait durable qu’avec de grandes et sérieuses réformes politiques, commerciales, financières. Il s’est fait tout un programme, et c’est pour assurer la réalisation de ce programme qu’il est revenu récemment à Madrid avec le prestige d’un nom popularisé par le succès. Les idées du gouverneur de Cuba peuvent être justes ; mais on ne peut se dissimuler qu’elles sont de nature à imposer de singulières charges aux finances déjà assez pauvres de l’Espagne et qu’elles touchent à bien des intérêts puissans, tenaces de la métropole, M. Canovas del Castillo a-t-il vu tout de suite qu’il ne pourrait accepter la responsabilité d’une politique qui, dans tous les cas, avait besoin de la sanction de nouvelles cortès ? Il a cru surtout évidemment l’occasion favorable pour s’effacer devant un brillant successeur, et c’est dans ces conditions que le jeune roi, après avoir consulté tous les chefs de partis, après avoir écouté tout le monde, s’est décidé à appeler à la présidence du conseil le général Martinez Campos lui-même. Aujourd’hui, c’est sous les auspices du