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les emprunts, la subsistance et le logement des gens de guerre, le ban et l’arrière-ban, les droits de francs-fiefs et de nouveaux acquêts ; on les poursuivait pour le paiement des gabelles. En un mot, ils étaient, suivant leur expression, victimes d’une foule d’exactions, au mépris des immunités de l’église. Le gouvernement royal ne tenait aucun compte des charges que leur imposait la cour de Rome qui les taxait pour les annates et les expéditions de bulles à des sommes dont l’énormité ne soulevait pas moins leurs plaintes. Ajoutons que les officiers ou fonctionnaires laïques du clergé étaient également surimposés et molestés. Le fisc réclamait sans cesse d’eux de l’argent, sous prétexte de rehaussement dans la valeur des monnaies, de droit d’hérédité des offices et pour cent autres motifs. La couronne, pour justifier ses nouvelles exigences, alléguait l’accroissement du patrimoine de l’église. Chaque jour en effet la dévotion des fidèles valait à celle-ci quelques legs, et une masse de biens de plus en plus considérable sortait de la circulation et échappait aux charges dont étaient frappées les propriétés roturières, souvent même sans que le droit d’amortissement fût acquitté. Le fisc avait dû à diverses reprises réclamer ce dont il s’était trouvé frustré et faire pour ce motif étendre fort loin en arrière la recherche des amortissemens, mais les fraudes ne s’en étaient pas moins continuées, et sous le ministère de Richelieu des mesures sévères et assez vexatoires avaient été prescrites à cet égard. On dut s’assurer si l’on n’avait pas dissimulé la valeur des biens donnés au clergé ou achetés par lui, en vue de payer un moindre droit. On institua en conséquence une chambre spéciale, dite chambre des amortissemens, qui fonctionna avec une grande activité. Le clergé vit dans cette création une atteinte à son autonomie administrative et se plaignit. Bullion, le surintendant des finances, que Richelieu mettait habilement en avant, ne s’arrêta pas à ces réclamations, il prétendit que les biens ecclésiastiques appartenaient au roi, lequel était tenu seulement d’assigner aux membres du clergé ce qui était nécessaire à leur honnête subsistance. C’était là l’opinion de bon nombre de magistrats d’alors, et elle rencontra même des partisans au sein de l’assemblée du clergé tenue à Mantes. L’évêque d’Autun, Claude de la Magdeleine de Bagny, la développa, au grand scandale de ses collègues, dont Montchal, archevêque de Toulouse, exprima les sentimens. Richelieu évita de laisser croire par ses paroles qu’il allait aussi loin que Bullion ; mais il ne cachait pas qu’il entendait obliger le clergé à prendre une plus forte part des charges de l’état.

Tout cela avait amené dans le clergé un sourd mécontentement, qui donna bientôt lieu à une certaine agitation ; mais elle aigrit le cardinal, plus encore qu’elle ne l’affligea, parce qu’elle devenait un obstacle au projet qu’il avait formé de se faire le chef de l’église