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exigences de la couronne et enhardir les évêques qui en étaient les interprètes. Il eût été dangereux pour Richelieu de les traiter sans ménagement. En abaissant leur autorité, il aurait élevé d’autant celle du pape, qu’il ne voulait pas moins contenir. Voilà pourquoi il cherchait d’ordinaire plus à acheter les évêques qu’à les dompter. Il avait peuplé les sièges épiscopaux d’hommes sur lesquels il comptait, mais la majorité des prélats ne s’était pas laissé séduire, et les assemblées du clergé lui échappaient souvent au moment même où il croyait en être le plus sûr.

Les prélats que les diocèses y députaient n’entendaient rien lâcher de leurs privilèges et portaient aussi haut leur dignité que Richelieu portait la sienne. La voix de ces évêques indépendans avait beaucoup d’écho et ne restait pas muette. Ce n’était qu’à force de menées et à l’aide de stratagèmes que le gouvernement parvenait à en annuler l’effet. Ainsi s’explique le mauvais vouloir de moins en moins déguisé de Richelieu pour ces diètes ecclésiastiques qui contrariaient ses vues. Il eût bien voulu les supprimer et les traiter comme les états-généraux, qu’il se gardait de convoquer. Il ne fallut rien moins que l’impossibilité de se procurer sans l’assentiment du clergé les sommes dont l’état avait un besoin pressant pour le faire consentir, vers la fin de son ministère, à convoquer une nouvelle assemblée. Il était à bout de moyens de tirer de l’argent du clergé sans recourir au vote de ses mandataires, sans demander, comme il l’avait encore fait en 1636, un don gratuit ou de nouveaux décimes. On a vu que le principal expédient qu’il avait imaginé était la recherche des amortissemens faits au préjudice du trésor royal, c’est-à-dire des biens entrés dans le patrimoine de l’église, sans que les droits dus à l’état eussent été acquittés. L’édit du roi étendit la recherche à une période de cent vingt années, contrairement à tous les principes de la prescription. Une telle mesure indigna le clergé ; elle dut d’autant plus blesser les bénéficiers qu’elle les contraignait de payer pour des dettes plus que séculaires et prononçait une exception pour certains monastères et fondations de date plus récente.

Les mêmes vues fiscales avaient fait rendre une autre ordonnance non moins préjudiciable aux intérêts matériels de l’église : elle soumettait les officiers du clergé à la taxe du dixième denier, établie sur les charges héréditaires pour confirmation du droit d’hérédité, et avait été immédiatement exécutée avec une extrême rigueur. On avait contraint les receveurs des décimes à payer, non-seulement par la saisie de leurs gages, suivant le procédé mis en pratique, à la suite de l’édit des amortissemens, pour le temporel des évêchés et des chapitres, mais par prise de corps. Les diocèses ne tardèrent pas à former opposition à la taxe du dixième denier et