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à fléchir le Très-Haut qu’à encourager la population à défendre ses pasteurs. Les prélats exhortaient les ecclésiastiques à tenir bon contre les mesures que l’on prétendait leur appliquer, à laisser plutôt vendre leurs surplis et leurs calices même que de donner les mains à une exaction qui foulait aux pieds l’honneur et les biens du clergé. La circulaire produisit son effet, au moins en divers cantons du royaume. Plusieurs évêques de la Provence s’assemblèrent et se prononcèrent dans le même sens que le conciliabule des évêques de cour ; ils écrivirent pour protester à Richelieu, au secrétaire d’état Des Noyers, qui était l’homme du cardinal, et aux agens généraux. Les évêques du Languedoc qui siégeaient aux états de cette province, alors assemblés à Pézenas, imitèrent cet exemple. Les évêques de la Guyenne se joignirent à eux par lettres. Tout cet ensemble de prélats fit parvenir des remontrances à Louis XIII et à son ministre. Non pas qu’ils se refusassent absolument à venir en aide au trésor royal, mais ils n’entendaient le faire qu’à la suite d’une décision librement prise par le clergé ; ils s’élevaient contre toute contrainte exercée envers eux, contre toute main mise sur leurs biens, lesquels, répétaient-ils, étaient après tout ceux des écoles et des pauvres. Le gouvernement ne pouvait avoir facilement raison d’une opposition si habilement concertée. Les évêques demandaient la convocation de l’assemblée générale, qui aurait dû se tenir en 1640, et n’avait point été réunie faute de convocation. Le roi en avait prorogé, par lettres du 5 mars 1640, la session jusqu’en 1645, et pour tirer en attendant de nouveaux subsides du clergé, il avait décidé qu’on prendrait annuellement 200,000 livres sur les décimes votés pour dix ans par l’assemblée de 1635 et qu’on les donnerait à la ville de Paris. En agissant ainsi, la couronne dépassait les droits que lui conférait le contrat. Il ne restait plus en effet que cinq années à courir de l’annuité fournie par le clergé, et c’était pour dix ans qu’elle aliénait cette annuité à la municipalité parisienne. Le retard apporté à la réunion de l’assemblée inquiéta les évêques. Richelieu chercha à leur persuader que, s’il en remettait à une époque ultérieure la convocation, c’était pour l’avantage de l’église, vu qu’il connaissait les prétentions excessives des gens de finances ; mais les prélats n’étaient pas dupes de cette explication, ils pressaient pour qu’on réunît l’assemblée. Le cardinal dut se rendre. L’évêque de Chartres, Léonor d’Estampes, l’y détermina en se portant fort que l’assemblée se prêterait à ses désirs. Il n’y avait plus au demeurant d’autre moyen d’obtenir du corps ecclésiastique les ressources qu’on en voulait tirer. En effet, la recherche des amortissemens ne produisait pas ce qu’on avait pensé. Dès le mois de janvier 1640, il avait fallu réduire à 1,200,000 écus la somme pour laquelle on devait adjuger le recouvrement à réaliser en vertu de la