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paraître vouloir dicter ses volontés. Informé des dispositions de la compagnie, il travailla à la convaincre qu’il était plus dans l’intérêt de l’église et de l’état de faire directement le fonds des 6 millions, et c’est dans ce sens qu’agirent les commissaires chargés de présenter et de soutenir la demande de la couronne. Ces commissaires ne furent pas alors des personnages d’aussi grande importance que ceux qu’on avait coutume d’envoyer aux assemblées générales. Ils étaient au nombre de deux : Léon Brulart, conseiller d’état, et un intendant des finances, Michel Particelli, sieur d’Emery, qui devait au temps de la fronde acquérir une triste célébrité comme surintendant des finances. Les députés remarquèrent cette circonstance et quelques-uns y virent la preuve que le gouvernement ne témoignait plus au premier ordre de l’état le respect qui lui était dû. Brulart rappela, en commençant son discours, les services que le roi avait rendus au clergé. Le but de cet exorde était de justifier la forte demande d’argent qu’il apportait. Six millions, la couronne n’avait jamais tant réclamé d’un coup. Aussi Brulart ne manqua-t-il pas de dépeindre en termes pathétiques la détresse du pays, l’épuisement de la bourse de la noblesse et du tiers. Il termina en disant que sa majesté reconnaîtrait le témoignage que le clergé lui donnerait de sa fidélité en donnant cette somme, par les démonstrations de sa bienveillance et en relevant le premier corps du royaume de tous les ornemens d’honneur et d’autorité qu’il pouvait désirer. L’assemblée demeura assez froide devant toute cette éloquence. Il y avait longtemps que le clergé savait le compte qu’il fallait faire de telles promesses. Le roi en était prodigue quand il s’agissait d’obtenir de l’argent. L’archevêque de Sens répondit à Brulart par une de ces harangues laudatives dans le goût du temps, mais où perçait l’impression fâcheuse que faisait sur l’ordre ecclésiastique la demande qui lui était adressée. Les plaintes qu’elle contenait sur les atteintes portées aux immunités de l’église provoquèrent du commissaire royal une réplique où il exhortait les députés à l’esprit de concorde, ce qui signifiait clairement qu’ils devaient accorder ce que le roi réclamait d’eux. L’assemblée mit à son ordre du jour l’examen de la demande. Plus d’un des assistans marqua son étonnement que le gouvernement parût avoir oublié les engagemens pris solennellement en 1636 et en violation desquels avaient été édictées les mesures fiscales dont se plaignaient les bénéficiers. On s’accorda pour ne point admettre la restriction contenue dans la lettre de cachet qui convoquait l’assemblée et laisser aux députés pleine liberté d’adopter, en vue du subside au roi, les voies qui leur sembleraient les meilleures. La compagnie n’entendait pas être mise en demeure de statuer à ce sujet, toute affaire cessante. Pour le montrer elle s’occupa préalablement de la rédaction des cahiers où devaient être