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disait autrefois, n’ouvrent malheureusement pas d’aussi larges perspectives d’avenir à l’ambition de la jeunesse. L’enseignement et les honneurs universitaires, l’Institut et les honneurs académiques, voilà tout ce qu’elles peuvent offrir à des générations affamées de jouissances faciles et rapides. Il y a là pour nos facultés des lettres et des sciences, surtout pour les premières, une cause d’infériorité manifeste. Et malheureusement cette cause n’est pas accidentelle ; elle est inhérente à l’objet même de l’enseignement et, par suite, indestructible. Pourtant il ne serait peut-être pas impossible de retenir un plus grand nombre de jeunes gens dans nos amphithéâtres et d’éveiller chez eux des vocations. On a déjà beaucoup fait dans ce sens en relevant la condition des professeurs ; la carrière universitaire offre aujourd’hui des avantages matériels et des sécurités que sont loin de présenter d’autres grands services publics. On pourrait encore employer des moyens d’un ordre moins positif. L’administration les connaît ; elle en a déjà éprouvé plusieurs ; elle étudie les autres.

Un de ces moyens, indiqué par la statistique de 1868 et mis à l’essai dès cette époque, a déjà produit d’heureux effets : nous voulons parler du développement donné dans nos facultés des lettres aux exercices pratiques et de la création, près nos facultés des sciences, de laboratoires d’enseignement. « A cet égard, dit la statistique, dans toutes les directions le mouvement est complet. Les laboratoires se multiplient et, dans l’ordre des lettres, les conférences répondent à un même besoin général. Nous avons beaucoup tardé sans doute à nous laisser convaincre ; mais aujourd’hui les esprits les plus résistans semblent céder, et l’insuffisance des leçons théoriques, des enseignemens qui plaçaient le professeur à distance de ses élèves, est presque unanimement reconnu. » Il a fallu beaucoup de temps en effet pour gagner ce procès ; il a fallu surtout l’éclatant succès de l’École des hautes études. A peine fondée, cette école avait déjà plus d’élèves, dans la seule section d’histoire et de philologie, que les cours les plus suivis de la Sorbonne. Son exemple a piqué d’émulation l’Université. Nos professeurs ont tous compris la nécessité d’ajouter des conférences d’un caractère à la fois plus scientifique et plus intime à ces grandes leçons « faites avant tout pour intéresser le public, mais notoirement insuffisantes pour provoquer chez les étudians cette curiosité persistante qui peut naître seulement de la pratique personnelle des instrumens et qui détermine les vocations, » Qu’ils continuent dans cette voie, qu’ils s’y engagent plus avant encore ; leurs cours y perdront peut-être en éclat, mais ils y gagneront certainement en solidité ; en tout cas la qualité de leurs auditoires ne pourra qu’en être rehaussée.