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du haut et du bas Canada. Cette mesure portait un coup terrible à l’élément français. Le bas Canada, plus riche, plus peuplé, était habité presque exclusivement par des colons d’origine française. Dans le haut Canada au contraire, les émigrans anglais dominaient. Le bill du parlement accordait aux deux provinces un nombre égal de représentans, malgré la différence considérable de population. De plus, il rendait officiel l’usage de la langue anglaise et supprimait les stipulations expresses de la treizième clause du traité de Paris, qui garantissait les droits politiques et religieux des colons français.

Le gouvernement anglais se sentait libre d’agir à sa guise. Il n’avait rien à redouter du cabinet de Washington, absorbé par les affaires du Mexique. L’annexion violente du Texas n’était pas, il est vrai, l’œuvre des autorités américaines. Elles avaient laissé faire, mais la conquête effectuée, elles l’avaient considérée de bonne prise et organisaient le Texas en territoire, en attendant le moment opportun de l’admettre dans l’Union comme état à esclaves. Encouragés par leurs succès, les hommes du sud émigraient au Texas et prétendaient en fixer les limites à leur gré. Le gouvernement de Mexico, tout en subissant les conséquences de la défaite de San-Jacinto et de la cession qu’il avait dû consentir, protestait contre l’invasion de ses nouvelles frontières et armait pour les protéger. Le Texas menacé réclamait aide et protection. Le congrès américain décida l’envoi d’une armée d’occupation en Louisiane, et en janvier 1846, le général Taylor reçut l’ordre de s’avancer jusqu’au Rio-Grande, limite naturelle réclamée par le Texas et contestée par le Mexique. C’était le premier acte d’intervention officielle et hostile du gouvernement américain contre le Mexique. Dans son livre, American conflict, Horace Greeley raconte, en s’appuyant sur des textes précis, les hésitations du président Polk et de son cabinet. Une première dépêche invitait le général à entrer dans le Texas, tout en s’abstenant d’engager les hostilités. À ces ordres officiels étaient jointes des instructions particulières insinuant qu’un mouvement offensif de sa part serait bien vu, mais lui en laissant l’initiative avec la responsabilité. Taylor faisait la sourde oreille ; il voulait des ordres clairs et précis, refusait d’avancer et de s’exposer à un désaveu en cas d’échec Dans l’homme de guerre se révélait déjà l’homme politique, futur président de la république. La négociation fut longue, les notes succédaient aux notes, l’armée restait immobile. Enfin l’ordre fut donné par écrit, et Taylor, traversant le Texas, vint camper sur les bords de Rio-Grande à portée de canon de Matamoras. Les hostilités commencèrent immédiatement. Vainqueur à Palo-Alto et à Resaca de la Palma, il franchit le fleuve et s’empara de Matamoras.