Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/675

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aucun obstacle ne s’oppose à ce tracé sinueux. Le redressement du lit d’un fleuve vers son embouchure ralentit la vitesse du flot par l’accroissement de la pente, de telle sorte qu’il pénètre un moindre volume d’eau à chaque marée. De plus, le chenal se déplace souvent dans les parties rectilignes, se portant d’une rive sur l’autre sans aucune loi précise. Ainsi perte de l’eau, mobilité du chenal, tels sont les inconvéniens qui ont dû faire renoncer au redressement des rivières à marée.

Partout où un fleuve présente une courbure régulière, c’est sur la rive creuse que se trouve la plus grande profondeur de l’eau, tandis que la rive opposée, qui dessine une pointe, est à peine submergée. Cela tient à la plus grande vitesse du courant, et à son érosion le long des bords concaves.

Lorsqu’à une courbe succède une autre courbe de sens opposé, le courant se porte d’une rive sur l’autre ; mais sa direction reste indécise dans la partie rectiligne plus ou moins longue, qui sert de raccordement entre les deux courbures inverses. cette instabilité favorise la formation des bancs dans ces parties droites des cours d’eau. Une succession régulière de courbures symétriques est donc nécessaire pour que le chenal d’un fleuve conserve une position fixe, sans de trop grandes variations de profondeur. Peu de rivières ont cet état de perfection idéale. Il faut pour cela que leurs eaux aient pu se créer un libre passage dans de molles plaines d’argile, loin de tout obstacle qui aurait troublé les lois naturelles de leur mouvement. En France, il n’est guère que la Charente qui ait ces lignes harmonieuses. Aussi le flot abondant de la marée remonte-t-il fort au loin dans ce fleuve présentant une profondeur très grande relativement à sa largeur. Mais de tels exemples sont plus fréquens parmi les grands fleuves de l’Asie ; ils traversent, vers leur embouchure, de vastes plaines d’alluvions dans lesquelles ils ont pu librement s’ouvrir un lit, assujetti pour ainsi dire à leur seule commodité. Ces fleuves offrent donc d’admirables facilités à la navigation des plus grands navires sur un immense parcours. Deux parts semblent faites dans le lit de ces rivières-types : l’une pour l’emmagasinement des dépôts, et l’autre pour la circulation des courans. Les alluvions se fixent sur la partie des rives formant des pointes, tandis que l’eau s’engouffre en tourbillonnant dans les parties concaves, de telle sorte que le fleuve entretient de lui-même son chenal immuable dans ses sinuosités.

Des conditions aussi favorables ne se rencontrent pas absolument dans la Gironde et la Garonne. Entre la pointe de Graves et Pauillac s’étale un vaste estuaire, aux rives rectilignes, entre lesquelles les courans se trouvant sans appui font subir au chenal de fâcheuses variations. Vient ensuite le confluent de la Dordogne, qui trouble