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qu’une détenue qui y a subi sa. peine tombe en récidive. Les détenues de l’amendement sont rigoureusement séparées du reste de la population ; elles ont dortoir, préau, réfectoire, salle de travail et d’école absolument distincte. Mais aucune amélioration n’est introduite dans leur régime par rapport à celui du reste de la maison. On maintient en effet le principe que le quartier d’amendement doit être demandé non pas comme un adoucissement à la peine, mais comme une récompense morale, et les détenues n’y sont admises qu’après un certain temps d’épreuve passé dans le quartier commun. L’aspect seul des physionomies justifie le choix qui a été fait par l’intelligent directeur. Ces jeunes filles ou ces jeunes femmes (il n’y en a que deux qui aient dépassé trente ans) ont presque toutes un visage triste et fatigué, mais sur lequel on ne lit ni la corruption ni l’hypocrisie. Elles semblent embarrassées quand on les regarde avec attention, comme à la pensée qu’on connaît le triste secret de leur vie. On se croirait plutôt dans un ouvroir que dans une prison, si leur silence, leur immobilité, leur regard baissé sur leur ouvrage ne montraient pas que la discipline pèse sur elles d’un joug aussi sévère. L’impression est à la fois moins pénible et plus triste. On se sent en présence de moins de dépravation, et de plus de souffrances.

En résumé, le régime des maisons centrales de femmes, tel que je viens de le décrire avec exactitude, ne présente point de ces rigueurs contre lesquelles l’humanité ait le droit de se révolter. Il est sévère sans doute ; mais le châtiment en lui-même doit être sévère, et il ne faut pas oublier que celui-ci s’applique aux plus grandes criminelles. Je dois cependant convenir que ce régime inspire à l’avance une grande crainte aux détenues, et que dans le monde habituel du crime il n’a pas bonne réputation. J’ai vu à la prison de Saint-Lazare une femme tomber dans les convulsions d’une attaque de nerfs parce qu’après consultation du médecin son envoi à la centrale venait d’être décidé. Quelles sont donc les causes de cette terreur ? Est-il vrai que ce soit la règle du silence absolu, et cette règle mérite-t-elle toutes les déclamations qu’on a écrites contre elle ? Est-il vrai que ce soit « une torture sèche, un châtiment hypocrite allant au delà de la peine édictée par les magistrats et tuant pour toujours la raison de la femme condamnée à un nombre limité données de prison ? » Ce sont là des exagérations dont la connaissance des faits suffit à faire justice. Ce silence imposé aux détenues est rigoureux sans doute ; mais est-il absolu ? Non. À l’atelier, le bruit incessant du marteau avec lequel on cloue les semelles et celui des machines à coudre couvre la voix des détenues lorsqu’elles échangent quelques mots à voix basse. Il en est de même au préau du claquement des sabots de bois sur le