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alors qu’il y aurait tout avantage à mettre à l’épreuve au dehors leurs bonnes dispositions. Fort heureusement ce sont les jeunes détenus du département de la Seine qui sont le plus fréquemment appelés à user du bénéfice de cette loi, grâce à l’existence d’une société qui, par l’ancienneté de sa fondation et l’importance des résultats obtenus, mérite d’être mise en parallèle avec Mettray. Cette société a été fondée en 1833, sous l’impulsion de M. Charles Lucas, à une époque où la proportion des récidivistes parmi les jeunes détenus du département de la Seine était de 75 pour 100. Elle a eu la bonne fortune d’être présidée de bonne heure par un homme éminent, M. Bérenger, qui a légué à son fils la tradition de son détournent à la cause de la réforme pénitentiaire. La période la plus active de la Société a été celle où les jeunes détenus subissaient à la Petite-Roquette l’emprisonnement cellulaire et où la Société intervenait au bout de dix-huit mois ou de deux ans pour tempérer, en obtenant la mise en liberté provisoire des enfans, ce que cette détention prolongée pouvait avoir de trop rigoureux. Aussi peu s’en est-il fallu que la Société, qui avait eu le malheur de perdre son président, ne prononçât elle-même sa propre dissolution sous l’impression du découragement que lui causa la dislocation de la maison de la Petite-Roquette amenée par les circonstances que j’ai racontées. Le moyen de patronner à l’avenir les petits Parisiens qu’on lui enlevait pour en faire des agriculteurs ! Mais sous l’impulsion énergique et dévouée du secrétaire général actuel, M. Bournat, la Société changea son mode d’opération. Au lieu de patronner les enfans après l’expiration d’une partie plus ou moins longue de leur peine, elle a entrepris de les patronner avant même que cette peine ne soit commencée. Dans ce dessein, les membres de la Société visitent les enfans à la Petite-Roquette pendant la durée de leur détention préventive, et si quelques-uns de ces enfans leur paraissent dignes d’intérêt, ils obtiennent de l’administration pénitentiaire leur mise en liberté provisoire, presque aussitôt après que la sentence a été rendue. Ils placent alors ces enfans en apprentissage chez des patrons de leur choix. Si le placement ne réussit pas, si l’enfant se montre insubordonné, la Société sollicite sa réintégration provisoire ou définitive. Elle est même devenue en quelque sorte l’auxiliaire du parquet dans une œuvre délicate, celle de prendre la défense des enfans contre leurs propres parens. Lorsque le parquet se trouve en présence d’un enfant qui n’a commis qu’une infraction légère, mais sur la nature duquel on doit redouter la mauvaise influence d’une famille pervertie, le ministère public demande à l’audience et le tribunal prononce un envoi en correction prolongé, avec la promesse préalable qu’aussitôt la sentence intervenue, la Société s’occupera de son placement. Les enfans que la