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vaporeuses des tamaris et des rameaux flexibles des lauriers doubles rouges et blancs. Notre voiture en arrivant passait au milieu de ces places bordées de fleurs ; des Arabes vêtus seulement d’une longue tunique en toile blanche sans ceinture et d’un turban en mousseline également blanche étaient appuyés contre les maisons qui pouvaient les abriter du soleil. Il nous semblait être plutôt aux Indes qu’en tout autre pays. Le cocher nègre nous a conduits à travers cette singulière ville, jusqu’à la porte d’une habitation, en tout semblable à beaucoup d’autres ; nous fûmes avertis alors que nous étions arrivés à l’hôtel. Le mot auberge n’est plus de mise, même au désert.

Nous étions heureusement les seuls hôtes de Mme Medan. Les quatre bonnes chambres que possède l’hôtel ouvrent, les unes à côté des autres, sur le petit jardin qui forme le milieu de la maison. La salle à manger vient à la suite ; la cuisine et le logement des propriétaires est en retour. Une tonnelle de treillage, sur laquelle grimpent des vignes et des mimosas, forme un abri agréable ; les allées sont divisées aussi par de minces treillages garnis de passiflores. Un mur clôt le jardin sur les deux faces, qui sont sans constructions. Comme dans les maisons arabes en général, il n’y a aucune vue extérieure à espérer, sauf par une étroite fenêtre garnie de barreaux qui donne du jour dans les chambres. Nous avons trouvé là en plein désert tout ce qui est nécessaire à l’habitation, des lits simples et propres, des tables et des chaises à l’avenant, et, nous avons, dès l’arrivée, pris possession de la tonnelle pour en faire notre salon. La porte de l’auberge donne sur un vaste terrain nouvellement planté, encore fort aride, et qui doit être aujourd’hui un beau square ! Attirée par le ronflement lointain d’un tambour de basque et de tambourins, je m’étais avancée à l’entrée de la maison en demandant à Si-Mohamed d’où pouvait provenir ce bruit ; il me désigna une agglomération de petites maisons, du côté opposé de la place, en me disant que là étaient les cafés maures dans lesquels dansaient les femmes de la tribu des Ouled-Nayls qui habitent tout un quartier de Biskra. Biskra veut dire ivresse en arabe, et de tout temps l’oasis a attiré de fort loin les amis du plaisir.

Après quelques heures consacrées au repos et à la toilette nécessaire lorsqu’on a voyagé, nous sommes montés dans la calèche du kaïd et accompagnés de nobles Arabes et d’officiers de la garnison à cheval, nous sommes partis pour aller visiter la forêt et le Vieux Biskra. Depuis la prisé de l’oasis par le duc d’Aumale, en mars 184a, une ville nouvelle s’est élevée : c’est celle que nous avons vue d’abord et que nous habitons ; la vieille ville n’est plus considérée que comme une sorte de grand village occupé par des cultivateurs et