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d’une sorte de prestige aux yeux de leurs administrés. Il faut une invitation du père pour que le fils vienne manger à la même table que lui. Ce sentiment d’obéissance et de respect des enfans dans l’intérieur de la famille se trouve expressément dicté par ce passage du Koran : « Dieu vous ordonne l’amour, la vénération et la bienfaisance pour vos pères et mères ; gardez-vous de leur marquer du mépris, gardez-vous de les reprendre, ne leur parlez jamais qu’avec respect ; ayez toujours pour eux de la tendresse et de la soumission. »

Ce n’est jamais que dans la contenance la plus humble qu’un jeune enfant se présente devant son père. Dans quelques familles qui ont gardé les vieux usages, si le père sort, les fils l’accompagnent jusqu’à la porte, l’aident à monter à cheval et guettent ensuite son retour afin de lui montrer les mêmes attentions. Dans les grandes fêtes, comme dans divers événemens de la vie, les enfans ne manquent jamais, en baisant la main de leur père ou de leur mère, de leur demander leur bénédiction. Tous y attachent la plus haute idée de bonheur, et de ce sentiment résulte l’impression non moins vive d’un profond chagrin, lorsque, par leur inconduite ou toute autre faute, ils se voient menacés de la malédiction paternelle.

Le soir où nous dinions, le kaïd n’avait admis à la table que son fils aîné, cheik de Sidi-Okba, et le fils aîné de ce fils, enfant de sept ans, qui s’endormit avant que nous fussions arrivés à la fin de la série de plats dont le défilé dura deux heures. Chez les Arabes, les enfans eux-mêmes ont les cheveux rasés, ce qui donne aux petits garçons un certain air futé qui leur sied à ravir ; une petite chéchia ou calotte rouge, avec un gland bleu, mise très en arrière, leur couvre la tête ; leur front dégarni est exposé aux ardeurs du plus grand soleil sans qu’il en résulte aucun accident. Les anciens Arabes portaient leurs cheveux longs. Les historiens racontent, dans le portrait qu’ils ont laissé d’Abbas, oncle du prophète, et l’un des plus beaux, hommes de son temps, qu’il avait de superbes cheveux séparés en deux longues tresses. L’usage de les raser ne s’est introduit que beaucoup plus tard sous le califat d’Osman Ier, et il devint bientôt général chez tous les peuples musulmans. Mais pour conserver le souvenir de la coiffure du prophète, les Arabes laissent croître une mèche de dix centimètres de long, à peu près, au sommet de la tête, qu’ils nouent et cachent sous le turban ; elle porte le nom de Mohammed ou Mahomet, comme nous disons en France. Au désert, durant les grandes chaleurs de l’été, les Arabes, lorsqu’ils ne montent point à cheval, revêtent une longue tunique ou gandourah en soie blanche et molle, qui retombe sur leurs pantalons bouffans, laissant les bras découverts sous le burnous et les