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autre lieu de pèlerinage, le marabout, homme riche et puissant dont l’influence est des plus étendues, a été, au dire de tous nos généraux, un des plus utiles auxiliaires des Français dans leurs établissemens du sud.

Notre journée va être bien remplie par notre course au travers du désert. Il faut nous attendre à souffrir un peu de la chaleur ; la délicieuse fraîcheur des premières heures du matin sera remplacée par un soleil tombant d’aplomb sur le sable. A sept heures, nous nous trouvons tous réunis sous la tonnelle, prenant du café au lait ; à huit heures, la calèche du kaïd est à la porte avec la voiture de Biskra, pour nous transporter avec le commandant supérieur et le kaïd à l’oasis de Sidi-Okba, située à 21 kilomètres en s’avançant vers le sud-est. Le fils aîné du kaïd, qui en est le cheik, doit nous en faire les honneurs en nous offrant à déjeuner. C’est une des parties du programme des fêtes que l’on offre aux étrangers distingués et à tous les généraux inspecteurs. Nous avons fait la route accompagnés par un jeune officier du bureau arabe à cheval, son spahi et quelques cavaliers du kaïd. Après avoir dépassé les derniers arbres de la forêt de Biskra, nous nous sommes trouvés roulant dans une plaine de sable, sans autre végétation que des touffes disséminées de diss et d’alfa, qui donnent de loin l’aspect assez verdoyant au désert. Les voyageurs qui ont été plus à l’ouest disent que l’abondance de ces grandes herbes et leur verdure uniforme rendent ces zones presque trop monotones ; c’est le seul pâturage que trouvent encore en été les caravanes. Ces vastes étendues, plates, brillantes, dont la limite se confond avec le ciel dans une vapeur chaude, procurent plutôt une sensation pénible. Les yeux en sont éblouis, et le soleil pénètre à travers les vêtemens. Son ardeur est si grande que je suis obligée de me couvrir d’un manteau, malgré la chaleur, afin de ne pas arriver avec un coup de soleil sur les épaules et les bras, que mon parasol ne peut entièrement garantir. Je comprends maintenant pourquoi les Arabes mettent plusieurs burnous les uns par-dessus les autres, et un turban dont l’épaisseur peut défier les rayons les plus ardens. Nous traversons l’Oued-Biskra, qui n’a l’apparence d’une rivière que par l’absence complète de végétation dont elle offre le tableau, et les pierres roulées dont son lit peu profond est rempli. Le cocher cherche à les éviter, ce qui lui est facile. Aucune route n’étant tracée, l’espace ne lui manque pas.. Les eaux filtrent à travers le sable, à quelques pieds seulement sous terre.

Nous approchons enfin de la ligne de palmiers qui indiquent l’oasis. Peu après nous longeons une suite de murailles de terre semblables à celles du vieux Biskra. Une petite rivière, dans laquelle