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n’est pas sérieux, car nous ne sachions pas que les hommes de race anglo-saxonne aient jamais passé pour tendres envers les races sauvages. Il n’y a plus depuis longtemps de boers dans Natal, et cependant M. Trollope ne rapporte pas que les Anglais de cette colonie pèchent à l’égard des Cafres et des Zoulous par excès de bienveillance. Est-ce dans Natal ou dans l’état d’Orange qu’il a entendu déclamer contre les écoles cafres, et n’a-t-il pas trouvé chez les fermiers anglais comme chez les boers les mêmes regrets de ne pouvoir contraindre les indigènes à un travail plus régulier ? Est-ce dans Natal ou dans le Transvaal qu’il a vu un colon arrêter un indigène en rase campagne, lui assigner un rendez-vous pour le lendemain et lui faire déposer ses armes comme arrhes de sa ponctualité ? Un autre reproche adressé aux boers est d’avoir fait preuve dans leurs diverses entreprises d’incapacité politique notoire. Nous inclinerions volontiers à croire qu’en effet la capacité politique ne doit pas être très développée chez une population qui fait tout consister dans l’indépendance personnelle, dont l’idéal serait par conséquent d’être dispensée de tout gouvernement, et qui ne manque pas de se soustraire aux obligations du citoyen dès que les circonstances le lui permettent ; comme cela s’est vu dans les derniers jours du Transvaal. Nous tenons donc le reproche comme fondé, en faisant remarquer seulement qu’il pourrait s’appliquer indifféremment aux classes rurales de tous les pays ; il n’en est pas moins encore fort exagéré. Ce n’est pas dans Natal qu’on a eu la preuve de cette incapacité, car l’entreprise a été supprimée lorsqu’elle commençait à peine. Restent le Transvaal et l’état d’Orange, qui ont eu une durée assez longue pour qu’on puisse appuyer une opinion sur leur histoire. Or, de ces deux expériences l’une a mal tourné en effet, — au bout de vingt-cinq ans de durée toutefois, — mais l’autre a réussi à merveille. Si l’on doit accuser l’incapacité des boers de la chute du Transvaal, pourquoi l’état d’Orange, peuplé également de boers, a-t-il prospéré ? Les circonstances ne lui ont pas été meilleures qu’au Transvaal ; ses guerres avec les Basoutos ne l’ont pas cédé en durée et en malignité aux guerres du Transvaal contre les tribus des Béchuanas ; annexé contre son vouloir, il a été abandonné par le gouvernement colonial lorsqu’il avait le plus besoin de sa protection ; longtemps enfin il a porté le poids d’une dette énorme, et connu le régime du papier-monnaie et le crédit défiant qu’il inspire ; cependant il s’est tiré de toutes ces difficultés, il n’a plus de dette publique, les indigènes sont en minorité marquée sur son territoire, il en a fini avec les Basoutos. Si l’on cherche avec attention les vraies causes de cette différence de destinées des deux colonies, nous croyons