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la mer, faisaient de Samos des courses sur le territoire de Milet. La flotte d’Antisthène partit du cap Malée, entra dans Milo et y trouva dix vaisseaux athéniens. De ces dix vaisseaux, trois, abandonnés par leurs équipages, tombèrent en son pouvoir; les autres réussirent à lui échapper et firent route vers Samos. C’était là un fâcheux contre-temps pour Antisthène. La flotte athénienne allait être avisée de son départ : comment parviendrait-il à lui dérober ses mouvemens? Antisthène suivit l’exemple d’Alcidas; il brava les hasards de la grande navigation. Ses vingt-sept vaisseaux firent voile pour la Crète, y rencontrèrent l’obstacle presque insurmontable alors des vents étésiens et, après bien des péripéties, finirent par arriver à Caunes en Asie. Caunes n’était guère sur le chemin de l’Hellespont, mais Caunes était peu éloignée de Milet, et à Milet se trouvait rassemblée la flotte d’Astyochos. Antisthène demanda qu’on vînt l’escorter; Astyochos ne pouvait se refuser à ce légitime désir. Il prit sur-le-champ la route de Caunes, à la façon antique, par étapes. Sa flotte passa donc de Milet à Cos et de Cos à Cnide.

Si vous avez jamais relâché au cap Crio, vous y aurez contemplé avec admiration les débris de ce port où s’arrêtait, indécis dans sa marche, vers les premiers jours du printemps de l’année 412 avant notre ère, le navarque Astyochos. Ce ne sont que fûts de colonnes, architraves de marbre, blocs énormes tirés de carrières inconnues. Le roi Louis-Philippe songea, en 1833, à faire servir ces décombres délaissés aux embellissemens du palais de Versailles. Le vaisseau la Ville de Marseille et le transport le Rhône vinrent jeter l’ancre sur cette rade qui, pour la première fois sans doute, abritait de pareils colosses. Le butin fut maigre, non que le marbre manquât, mais nous nous trouvâmes inhabiles à soulever et à emmagasiner de pareils débris. Les masses que les anciens se faisaient un jeu de remuer ont toujours embarrassé la mécanique dégénérée de nos ingénieurs. La ville de Cnide, à en juger seulement par ses ruines, devait être une place importante. Toute la côte d’Asie, au temps d’Astyochos et de Tissapherne, était couverte de semblables cités. On s’explique aisément les immenses richesses qu’en devait tirer Athènes. L’Ionie maritime était pour elle ce crue sont aujourd’hui les Indes orientales pour les Anglais.

Astyochos n’était pas le seul à chercher la flotte d’Antisthène ; Charminos, averti par les vaisseaux qui s’étaient enfuis de Milo, espérait bien aussi en avoir des nouvelles. Il s’était, à cet effet, établi en croisière avec vingt vaisseaux dans les parages de Symé, de Chalcé et de Rhodes. C’est dans ces mêmes eaux que croisait, en 1834, la flotte égyptienne, quand elle bloquait les Turcs réfugiés au fond de la vaste baie de Marmorice. Antisthène n’avait pas jeté l’ancre à Marmorice; il était mouillé dans une baie voisine, à