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« Les raisons qui ne m’ont jamais permis de répondre dans d’autres temps à la même marque de confiance subsistent toujours ; mes actions, mon langage furent et seront toujours les mêmes. Je redoute peu la responsabilité personnelle ; que peut-elle avoir d’effrayant pour celui qui a fait à sa patrie tous les sacrifices qu’elle exige ? Mon premier conseiller, celui dont je crains le plus la censure, c’est le sentiment de mes propres forces, c’est ma conscience. Je ne pourrais impunément la braver. Elle m’ordonne de ne pas compromettre les intérêts de la république en acceptant une place au-dessus de mes moyens.

« J’obéis à sa voix, et, quoi qu’il arrive, je ne la méconnaîtrai pas. Je ne puis mieux mériter et justifier vos bontés, citoyens directeurs, qu’en sachant moi-même y mettre des bornes, en vous priant de reconnaître celles dans lesquelles la nature m’a renfermé, et que le bien de mon pays ne me permettra jamais d’outrepasser.

« À son arrivée à l’armée de Sambre-et-Meuse, le général Beurnonville l’a partagée en deux ailes ; il m’a confié le commandement de la droite, se réservant plus spécialement celui de la gauche. Je crois, dans cette place, pouvoir servir plus avantageusement la république que dans celle où m’appelait votre confiance. Veuillez donc me permettre, citoyens directeurs, de ne pas la quitter. J’emploierai tous mes moyens pour seconder le général Beurnonville dont les talens administratifs et les connaissances militaires doivent encore promettre les plus heureux succès. Nous travaillons sans relâche et de concert, et aussitôt que les subsistances et les effets d’habillement nous permettront de marcher en avant, l’armée nous donnera des preuves qu’elle n’a rien perdu du moral qui la caractérise. Ses revers ne peuvent être attribués aux batailles qu’elle a livrées ; mais nu et sans pain, que pe.it faire l’homme le plus brave ? Quand le soldat verra que le gouvernement s’occupe de venir à son secours, qu’il aura de quoi se mettre à l’abri de l’intempérie des saisons, que les subsistances seront en partie arrivées, alors, citoyens directeurs, la république aura bientôt de nouveaux triomphes à célébrer. Les soldats de Sambre-et-Meuse sont encore les mêmes qui ont chassé les Autrichiens de la Belgique et les ont poussés jusqu’aux frontières de la Bohême. Dignes d’eux-mêmes et de la cause qu’ils défendent, ces enfans de la révolution en seront toujours les plus solides appuis.

« L’indiscipline et l’insubordination étaient venues de ce que les distributions ne se faisaient pas, de ce qu’il n’y avait plus dans les services aucune espèce d’organisation. Ces crimes et tous ceux qui en étaient découlés disparaîtront avec la cause qui les a produits. Aussitôt que tous ces maux seront réparés, nous reprendrons l’offensive ; nous attaquerons l’ennemi partout où nous le rencontrerons, et la victoire, qui fut si longtemps fidèle à nos drapeaux, couronnera nos efforts. Les