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général en chef du corps expéditionnaire, il tint, entre autres généraux, à emmener avec lui Desaix et Kléber dont il connaissait les talens militaires et dont il espérait le concours.

Kléber saisit avec empressement cette occasion de reprendre du service, sans cependant se dissimuler les périls de cette aventure. Il écrivait à cette occasion à une de ses amies :


« Je me suis engagé dans cette expédition, toute légèrement calculée qu’elle me paraît être ; ici, comme dans mille autres circonstances, l’imprévoyance sera suppléée par l’audace, et la fortune couronnera peut-être encore le succès des travaux que la froide raison n’aurait jamais osé entreprendre. »


Il ne se laisse pas éblouir par Bonaparte, qu’il se propose d’étudier de près. Nous verrons plus loin qu’il l’eut bientôt percé à jour.


« Je ne le connais point encore, écrit-il à la même personne ; il parut si inopinément sur la scène, il s’entoura aussitôt de tant de prestige, et son ascension fut tellement rapide qu’à la distance où je me trouvais placé, il m’eût été impossible de l’observer et de le suivre. C’est donc au milieu des événemens qui se préparent qu’il me faut l’examiner ; là, du plus près, je tâcherai de saisir ses traits dans les moyens qu’il emploiera pour parvenir aux grands résultats qu’il espère, et sa physionomie dans des anecdotes qu’il ne manquera pas de fournir dans des conjonctures si extraordinaires. »


On connaît les circonstances au milieu desquelles se firent les préparatifs de l’expédition et la traversée jusqu’à Alexandrie. L’armée s’empara de cette place après une courte résistance. Kléber qui, pendant l’assaut, avait été blessé d’une balle au front, dut y rester avec une petite garnison, pendant que le corps principal, sous les ordres de Bonaparte, après avoir remporté sur les mameluks, milice turque qui dominait l’Égypte, les victoires de Chobrâkit et des Pyramides, entrait au Caire le 24 juillet 1797. Comme gouverneur d’Alexandrie, Kléber s’occupa immédiatement de tous les détails administratifs et militaires ; il maintint dans ses troupes une discipline inflexible, fit tous ses efforts pour favoriser la reprise du commerce, s’attacha à percevoir régulièrement les impôts qui devaient alimenter le trésor de l’armée, et sut par son énergie et son esprit de justice triompher des difficultés de toute nature dont il était entouré. Il dut même faire arrêter et transporter sur un des bâtimens de l’escadre le shérif d’Alexandrie dont l’hostilité sourde s’était manifestée dans plusieurs circonstances. L’absence de nouvelles et d’instructions du général en chef ne laissait pas que de