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anglais. Il mit ensuite le siège devant le Caire, qui s’était révolté, et, après un assaut meurtrier, il s’empara du faubourg de Boulaq, qui fut mis à sac par les soldats exaspérés. Peu de jours après, la ville elle-même tomba en son pouvoir.

L’Égypte était reconquise, et l’armée qui, quelques jours auparavant, suivant la pittoresque expression de Kléber, ne possédait plus que le terrain qu’elle avait sous ses pieds, dominait de nouveau le pays. Mourad-Bey lui-même, le chef des mamelucks, qui jusqu’alors n’avait cessé de nous combattre, se déclara notre allié et proclama Kléber sultan français. Aussitôt après la soumission du Caire, le général en chef, abandonnant tout esprit de retour dans la patrie, prit toutes les mesures qui pouvaient consolider sa conquête et assurer à la France la possession de l’Égypte. Il profita des bonnes dispositions des habitans pour augmenter ses forces et trouva, notamment chez les Grecs et les Coptes, ennemis naturels des Turcs, des auxiliaires précieux. Il fortifia le Caire et les points importans, organisa un parc de cinq cents chameaux, toujours prêts pour les transports à effectuer, et remonta sa cavalerie par des levées de chevaux. En même temps, il s’occupa de faire rentrer les impôts, d’assurer aux troupes une solde régulière et de rendre partout une justice à laquelle les habitans n’étaient pas habitués. Partout la confiance renaissait, la situation devenait florissante et l’armée elle-même semblait avoir accepté la perspective de fonder un établissement durable, lorsque Kléber tomba sous le poignard d’un fanatique, le 14 juin 1800, le jour même où Desaix, son ami, tombait de son côté sur le champ de bataille de Marengo.

Après la mort de Kléber, Menou prit le commandement en chef de l’armée ; mais, comme il manquait de l’autorité nécessaire, il ne sut pas se faire obéir des autres généraux et dut, en 1801, capituler sur les bases de la convention d’El-Arych, devant une armée anglaise qui avait débarqué à Alexandrie.

La plupart des historiens reprochent à Kléber de n’avoir pas, dès le premier jour, pris le parti de rester en Égypte, et de n’avoir pas fait, avant la conclusion du traité d’El-Arych, ce qu’il a été obligé de faire après que l’Angleterre eut refusé de le sanctionner. M. Thiers surtout se montre à son égard d’une sévérité qui touche à l’injustice. Il accuse Kléber d’avoir, dans son rapport au directoire, dépeint sous les couleurs les plus fausses la situation de l’armée et volontairement assombri le tableau, d’avoir donné sur les forces dont il pouvait disposer des chiffres erronés, d’avoir, en calomniant la conduite de Bonaparte, été la principale cause du découragement de l’armée, d’avoir conclu, contrairement à l’opinion des généraux Desaix, Davout, Menou, la convention relative à l’évacuation de l’Égypte, d’avoir enfin, dans cette circonstance,