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en petit nombre, la nature du pays les rend tributaires des villes qu’il est facile de défendre contre leurs attaques. Dans le Sahara, quiconque est maître des principales oasis est maître aussi de toutes les routes.

Il y a des routes en effet ; que l’on ne se méprenne pas sur le sens qu’il faut ici attacher à ce mot. Ce sont de simples pistes, jalonnées tout au plus par les squelettes des bêtes de somme qui périssent en cours de voyage. Ces routes s’entre-croisent en quelques points plus favorisés que les autres sous le rapport de l’eau potable. Chat, Ghadamès et Mourzouk au nord-est, Insalah au centre, Tombouctou au sud, sont les centres vers lesquels convergent les caravanes. Les luttes prolongées des Arabes contre nous et surtout, suivant toute apparence, la suppression de l’esclavage dans les provinces soumises à notre domination, ont rejeté vers la côte tripolitaine le courant commercial qui se dirigeait vers la régence d’Alger avant la conquête. Les transports ne s’opèrent qu’à dos de chameaux dans ce grand désert. Moins bien outillés que ne le sont les colons de l’Afrique australe sur un terrain qui n’est pas moins accidenté, les Sahariens ne connaissent pas les chariots attelés de longues files de bœufs. Dans un pays où l’eau ne se rencontre qu’à de rares intervalles, le chameau et le cheval léger sont seuls capables de fournir les étapes. C’est sur leur dos que se transportent les marchandises échangées. Le commerce y a plus d’activité qu’on ne serait tenté de le croire. Les objets d’exportation, poudre d’or, plumes d’autruche, dents d’éléphant, n’ont qu’un faible poids ; les esclaves en font l’appoint, et c’est une denrée qui se transporte elle-même. Les objets de retour sont plus lourds, plus variés : d’abord les objets manufacturés d’origine européenne dont les marchés de l’intérieur s’approvisionnent sur le littoral de la Méditerranée, et puis, ce qui est d’une bien autre importance, le sel marin que les habitans du Soudan ne trouvent pas sur leur territoire, en sorte qu’ils sont obligés de le faire venir des sebkhas ou lacs desséchés que renferment les bassins intérieurs du Sahara. Un chiffre suffira pour faire voir ce qu’est le trafic du sel marin dans cette région. On estime que le Soudan en reçoit chaque année vingt mille tonnes, ce qui n’est guère pour une population de 50 millions d’âmes. Le prix en serait parfois de 2 à 3 francs le kilogramme. Un instrument de transport qui aurait pour effet d’abaisser ce prix au dixième de sa valeur actuelle ne manquerait pas d’en décupler la consommation.

La sécheresse de la région saharienne n’est pas plus due à la nature géologique du sol qu’à la configuration topographique. C’est dans les mouvemens généraux de l’atmosphère qu’il faut, chercher l’explication de ce phénomène. Entre la zone équatoriale, où les