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le Soudan peut être comparé à l’Hindoustan, si ce n’est que l’Inde anglaise est entourée par la mer tandis que le Soudan est inaccessible. M. Duponchel n’ose pas affirmer non plus qu’il soit aussi riche, aussi peuplé. Avec une surface à peu près équivalente, on n’y compterait que 50 millions d’habitans au lieu des 200 millions de l’Inde. 50 millions de consommateurs qui ne reçoivent pas encore les produits des manufactures européennes ! Il y a de quoi tenter les nations commerçantes. Par malheur, on dit que la discorde règne en ces pays. La race noire indigène paraît y être dominée par des conquérans arabes qui y ont importé l’islamisme. Le vrai fléau de l’Afrique centrale, la cause des guerres incessantes que s’y livrent les tribus, c’est l’esclavage et l’infâme commerce auquel il donne lieu.


II.

Puisque l’on ne peut aborder le Soudan, ni par les côtes du Sénégal ou de la Guinée, qui sont trop malsaines, ni par le Nil dont les cataractes sont infranchissables, pourquoi ne s’y rendrait-on pas en chemin de fer à travers le Sahara ? Telle est la question que s’est posée M. Duponchel, et pour la résoudre il a étudié les difficultés techniques que l’ingénieur rencontrerait sur son chemin, puis il a recherché le trafic que recevrait dans ce long parcours, en apparence stérile, une voie de transport perfectionnée. Comparé au chemin de fer américain du Pacifique, le chemin de fer trans-saharien n’a plus rien d’extraordinaire, car la distance est moins longue et le terrain moins tourmenté. Examinons donc le projet sous ces deux aspects, de l’exécution et de l’usage que l’on en fera lorsqu’il sera terminé.

Quels obstacles la nature opposera-t-elle aux ingénieurs ? Le premier qui vient à l’esprit est l’excès même de la température. Il n’est pas rare que le thermomètre dépasse 40 degrés centigrades. Pendant les nuits claires et surtout en hiver sur les hauts plateaux, il s’abaisse souvent à zéro. L’écart entre le jour et la nuit est toujours considérable, à tel point que les voyageurs se plaignent plus du froid des nuits que de la chaleur des journées, ce qui paraît singulier. Mais la chaleur du Sahara n’est pas malsaine. Nombre de nos compatriotes en ont assez l’habitude pour nous convaincre que l’on ne doit pas s’en effrayer.

La question des eaux est plus embarrassante. Comment alimenter les chaudières des locomotives, ou même comment fournir de l’eau au monde d’ouvriers qui vit sur une voie ferrée dans une contrée où les caravanes restent parfois plusieurs jours sans rencontrer une source ou un puits ? L’hydrologie du Sahara est un problème de